Food – In the Mouth : Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es

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Pimp ton palais

Le happening culinaire In the Mouth remporte officiellement la palme de l’événement foodie de l’automne. Avec sa prémisse fictive et son lot de mystères qui mousse notre imagination, In the Mouth est une invitation à sortir de notre zone de confort, à s’abandonner totalement sur les plans gustatifs, créatifs et collectifs. In the Mouth, c’est 9 rendez-vous culinaires du 15 au 31 octobre au Centre PHI. Retour sur une expérience « out of the box » à faire fantasmer tous ceux qui rêvent de jouer avec la nourriture, sans contraintes.

Un souper au-delà de la bouffe

Arborant les contours d’une soirée gourmande expérimentale et multisensorielle, In the Mouth se présente comme le produit du Chef Nuno, personnage fictif qui prétend souffrir d’une condition gustative singulière, la dysgeusie. Avec sa perception des saveurs déréglée, il ne lui reste que la mémoire affective et ses associations personnelles entre goûts et souvenirs pour survivre en cuisine. Les participants sont donc invités à remplir un questionnaire culinaire préliminaire pour déterminer ce qui se retrouvera sur le menu. Un postulat habile qui propose d’explorer la nourriture au-delà du goût, de la voir comme un médium et une façon de s’exprimer.

Trois services dictent la cadence de la soirée: on placera sur la table les ingrédients et plats décomposés avec une minutieuse spontanéité. Pour n’en dévoiler qu’une partie, le premier service déconstruit le taco. Sur une grande table de banquet couverte d’une nappe immaculée sont déposés de gros poulets entiers grillés, assis sur un trône de lime, d’avocats tranchés et de féta frais. Les invités sont invités à monter leurs tacos collectivement. Ce qui apparaît d’abord comme un jeu prend soudain les couleurs d’une orgie culinaire désinhibant les papilles les plus prudes : mains se mélangent dans la sauce, aliments se déchirent entre les doigts affamés, instincts dictent la découpe des portions. Les plus gourmands domineront la mêlée de leurs couteaux alpha, tandis que les plus rassasiés partageront leurs denrées. Une expérience quasi tribale qui jette par la fenêtre l’étiquette à table pour mieux briser les frontières de l’assiette. Le deuxième service prendra des allures d’une composition à la Jackson Pollock, et le dernier service fera honneur aux souvenirs d’enfance des participants. La madeleine de Proust n’a qu’à bien se tenir.

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Thérapie foodie

Avant tout un projet interactif et installatif, In the Mouth doit être vécu comme une expérience introspective quasi thérapeutique qui met à nu la relation intime que l’on entretient avec la nourriture. Pour l’idéateur du projet, Nicolas Fonseca, et ses collaborateurs (dont l’équipe de Tripes & Caviar en cuisine), l’ascension fulgurante de la culture culinaire et les enjeux agroalimentaires nous fond consommer la nourriture en silo. Manger n’est plus uniquement un besoin physiologique, c’est un geste citoyen, un acte politique, une variable économique. D’une autre côté, le culte des tendances food entraîne le monde de la restauration dans un roulement épuisant d’ouverture et de fermetures chorégraphiées, tandis que les nouvelles technologies formatent nos comportements alimentaires – que celui n’a pas déjà pris sa première bouchée via un filtre Instagram jette la première pierre. In the Mouth est ainsi une tentative de revenir à la base même de notre contact avec la bouffe, qui passe d’abord par les sens, puis par l’esprit. Et si on réapprenait à manger avec les doigts, mais aussi avec nos valeurs, nos émotions? Le but d’In the Mount est de « bâtir un palais », de pimper nos papilles, de ramener cette construction émotive, sensorielle, et humaine au premier plan. Et c’est franchement rafraichissant.

Un menu collectif « crowdsourced »

Le questionnaire qui atterri dans notre boîte courriel 48h avant la soirée, recensant souvenirs d’enfance, mets favoris ou détestés, sert de terreau à l’équipe In the Mouth pour dresser le portrait psycho-culinaire des participants. Ce data sera transformé en un menu sur-mesure, à l’image du palais intime de chacun, qui s’entrelace avec l’affect de l’autre. Tous le consommeront ensemble autour d’une même table, sans chaise, pour inviter à migrer au fil des services. « L’évènement devait être participatif » nous confie Nicolas. Et le contexte qui permettait de mettre en scène une telle soirée était le storytelling: « Le contexte [de la fiction] est un prétexte pour aller chercher les souvenirs des gens, de créer un moment collectif ». Impliquer des acteurs était « un tremplin pour explorer un univers, se faire offrir une proposition pour venir jouer ». De fait, le cadre permet aux gens de participer avec plus d’aisance, de s’impliquer et de faire des rencontres spontanées! L’ouverture d’esprit est ainsi le seul ustensile utile pour se remplir la panse.

Communion culinaire

In the Mouth rempli amplement son pari de nous faire voir la bouffe sous un autre jour. Reconnecter avec l’essentiel, ça passe par le collectif. Je n’ai jamais goûté un avocat avec autant de présence et d’attention que lorsque j’ai eu à le partager avec une tablée que je ne connaissais pas, à presser le jus de la lime avec mes mains pour mieux servir mon voisin. Rien n’est plus gavant que de savourer le pancake préférée du gars d’à côté qui repense à la cuisine de sa mamie, mêlé à une lasagne baveuse évoquant les longs jours de pluie de la fille d’en face.

In the Mouth est un évènement généreux qui nous écoute, plutôt que de nous imposer un menu comme la formule resto traditionnelle : « Ce qu’on retrouve sur la table, ce sont toutes les fictions des gens ». Les chefs écoute, cogitent et reformulent nos plus beaux souvenirs culinaires en une expérience collective délirante, rafraîchissante, qui fait tomber les frontières entre bouffe et étiquette, entre ingrédients et palais, tout en érigeant un mur entre foodie et iPhone (oh oui, parce qu’aucun téléphone ou appareil n’étaient admis à table!).

Reste que cette soirée est profondément difficile à expliquer « in a nutshell ». Elle recèle de surprises, et cet effet de mystère incite au laisser-aller. L’édition 2014 de In the Mouth affiche déjà complet, mais une liste d’attente pour le printemps 2015 commence à se remplir. Je vous invite – conjure- d’y ajouter votre nom, vous me remercierez quand la neige fondera!

Jusqu’au 31 octobre vous avez tout de même accès au Poetic Food Centre, une exposition accessible à tous qui fait état des légendes urbaines les plus connues et étudiées sur la symbiose biologique entre la nature et le corps humain…. Curieux cabinet.

In the Mouth + Poetic Food Centre

Centre PHI –  407 rue St Pierre, Vieux-Montréal

Sold out pour la saison 2014, liste d’attente pour le printemps 2015 ici.

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Article: Catherine Martel

Photos: Katriina O’Kane (officielles) et Catherine

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Querelles Blog

Projet collectif, Querelles est la rencontre d’amis et de collaborateurs vibrants qui juxtaposent leurs passions. Mode, art, bouffe, cinéma, vie culturelle, voyage et expressions sporadiques sont autant d’entrées en la matière, celle d’un Montréal inspirant.

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