Les 10 meilleurs films de 2020 à voir absolument

First Cow

C’est quand même fascinant que la plupart des gens croient que peu de films sont sortis dans la dernière année. Bien sûr, le fait de ne plus aller en salle nous a tous donné cette impression. De plus, les retards et reports dans le calendrier ont amputé la quantité de longs-métrages qui ont été vus par le public. Heureusement, plusieurs productions à moins grand déploiement ont fini tôt ou tard par se retrouver sur les plateformes de location et de visionnement en ligne. Malgré tout, j’ai pu voir 36 films parus cette année (40, si l’on compte les 5 volets qui composent la série de films Small Axe).

Je dois avouer avoir eu un peu de mal à finaliser mon palmarès. Quelques films un peu moins forts se retrouvent au bas de la liste, mais je n’ai pas eu d’autre choix que de leur faire une place dans le «club sélect» de mon top 10. Je n’ai toujours pas vu Minari, Promising Young Woman et Nomadland, tous nommés dans la catégorie du meilleur film au prochain gala des Oscars. De toute façon, leur sortie au Québec étant officiellement en 2021, peut-être les verrons-nous dans le classement de l’année prochaine, qui sait? Voici donc sans plus tarder les 10 meilleurs films de 2020. À vos télécommandes (et bonne lecture)!

Another Round – Thomas Vinterberg

10 ★ Another Round (Druk) – Thomas Vinterberg

(117 minutes – Danemark, Pays-Bas, Suède) – En salle et en location.

Intitulé Druk dans sa version originale en Danois, ce film, du réalisateur de Festen, raconte l’histoire de quatre enseignants au secondaire un peu blasés qui tenteront une expérience des plus singulières: maintenir un faible niveau d’intoxication à l’alcool sur leurs heures de cours. À la manière d’une soirée arrosée, les quatre bons camarades commenceront par en bénéficier au tout début, pour qu’évidemment le fin équilibre se mette à trembler, et finisse par s’écrouler. Les trois autres acteurs entourant Mads Mikkelsen (toujours incroyable), ainsi que leurs compagnes respectives, livrent tou.te.s et chacun.e un jeu d’acteur senti et efficace – que ce soit dans les moments plus humoristiques ou bien ceux nécessitant plus de profondeur – donnant place à quelques moments étonnamment touchants. Malgré un dernier acte plutôt prévisible et moins inspiré, Another Round divertit, émeut et enivre. Mads, je t’aime.


The Invisible Man – Leigh Whannell

9 ★ The Invisible Man – Leigh Whannell

(124 minutes – États-Unis, Australie) – En location.

Je ne pensais pas mettre ce film dans mon palmarès, mais en préparant cette rétrospective, j’ai réalisé que c’est l’une des expériences cinéma qui me reste en tête et qui m’a le plus marqué cette année. Faute d’écran géant en salle, j’ai regardé ce film à la maison dans le «set-up» parfait pour un film d’épouvante: tout seul dans le noir total, près de l’écran de ma télé, avec mes écouteurs au volume assez élevé pour ne rien manquer. Quelques semaines après avoir fui son horrible mari contrôlant et sociopathe prénommé Adrian Griffin, Cecilia Kass sent une présence près d’elle. Pourtant, elle est seule. Adrian serait-il de retour pour se venger? On a souvent vu au cinéma la notion d’invisibilité utilisée à des fins d’espionnage ou de voyeurisme, mais jamais n’aura-t-elle été aussi terrifiante. On a qu’à penser aux déjà mythiques scènes d’introduction et celle au restaurant où Elisabeth Moss incarne avec maitrise cette femme que tout le monde croit nager en plein délire. La mise en scène est renversante d’inventivité – ce qui est étonnant venant d’une si grosse production – et les effets spéciaux sont, ma foi, très bien réussis.


First Cow – Kelly Reichardt

8 ★ Le Rire – Martin Laroche

(123 minutes – Canada) – En location.

Le rire fut l’un des premiers films que j’ai regardés à la maison, au tout début de la pandémie. Il était quelque peu déconcertant de visionner ce film, qui se déroule en pleine guerre civile, alors qu’une toute nouvelle réalité s’installait aussi chez nous. Difficile, aussi, de décrire le film en un scénario clair; c’est une expérience qu’il faut vivre sans se poser trop de questions en se laissant imprégner de ses imprévisibilités. Les dialogues, les performances (Léane Labrèche-Dor est incroyable!) et le montage sont étranges, expérimentaux, et nous plongent souvent dans la poésie – donnant parfois l’air d’une pièce de théâtre et flirtant furtivement entre drame, horreur et comédie. Il est impossible de ne pas penser à Lynch en visionnant ce film troublant et mystérieux. Qu’il est rafraichissant de voir un film québécois oser s’abandonner complètement dans ce style! Ah, et quoi de plus troublant qu’un des personnages s’exclame, alors qu’il frôle la mort: «ça va bien aller». Espérons que Le rire n’est pas un film prémonitoire.


L’Acrobate – Rodrigue Jean

7 ★ L’acrobate – Rodrigue Jean

(134 minutes – Canada) – En location.

C’est pendant une tempête de neige en février 2020 que je me suis déplacé au Cinéma Beaubien afin de visionner le nouveau film de Rodrigue Jean, que j’ai connu avec le film L’amour au temps de la guerre civile. Les personnages interprétés par Sébastien Ricard, professionnel d’âge moyen, et Yury Paulau, acrobate, se rencontrent un peu par hasard lors d’une visite de condo en plein centre-ville de Montréal. L’attirance sera quasi instantanée et les pulsions de ceux-ci se réaliseront sur l’écran avec fougue. Quelques yeux sensibles ont quitté la projection en cours de route – il faut avouer que les scènes passionnées sont filmées de façon hyper graphique et réaliste. Rien n’est laissé à l’imagination et c’est franchement rafraichissant. Ces deux corps ont besoin l’un de l’autre, malgré qu’ils ne soient pas totalement compatibles. La chute est inévitable et elle nous entrainera avec elle. On a rarement vu Montréal filmée de façon si froide et cartésienne, semblant être plongée dans les constructions sans fin. Pour un public averti.


Le Rire – Martin Laroche

6 ★ First Cow – Kelly Reichardt

(121 minutes – États-Unis) – En location.

L’amitié, une vache et quelques beignets. Je n’étais pas familier avec l’œuvre de Kelly Reichardt avant d’appuyer sur «play» — j’avais entendu parler ici et là de Meek’s Cutoff et de Certain Women, mais rien de plus. Je dois maintenant avouer être curieux d’en découvrir plus, car First Cow est un petit bijou de film, tendre, émouvant et drôle. La prémisse est simple: deux hommes, qui n’ont apparemment pas grand-chose en commun, finissent par se lier d’amitié. Voulant se sortir de la pauvreté et faire quelque chose de leur peau, ils décident d’ouvrir leur minuscule comptoir de vente de beignets frits. Pour concocter lesdits beignets, ils auront besoin de voler le lait de la première vache arrivée en Oregon. John Magaro et Orion Lee offrent tous deux des performances sensibles et nuancées dans le rôle de ces deux camarades. Les images, tournées en numérique, sont sublimes et n’ont drôlement rien à envier à la pellicule, que ce soit sous la lumière du tôt matin ou de la nuit tardive. La musique composée par William Tyler enveloppe le film d’une douceur qui fait du bien. Certainement le «feel-good movie» de l’année.


Possessor – Brandon Cronenberg

5 ★ Possessor – Brandon Cronenberg

(102 minutes – Grande-Bretagne, Canada) – En location.

Tasya Voss habite avec son mari et son fils à Toronto et ils y vivent une vie bien simple. Le travail de celle-ci n’a toutefois rien d’ordinaire: tueuse à gages «virtuelle» pour une firme diabolique. Elle prend possession du corps et de l’esprit d’individus pour que ceux-ci fassent le sale travail, sans même que les «possédés» ne puissent s’en rendre compte. Cela permet à Tasya de garder l’anonymat et de ne jamais se faire prendre. Toutefois, son nouveau pantin fera dramatiquement basculer l’ordre des choses de façon à brouiller habilement les corps et les identités. Il est quasi impossible de parler du cinéma de Brandon Cronenberg sans le comparer à l’œuvre de son père, le mythique David Cronenberg. Tous deux se spécialisent dans le film d’effroi, naviguant habilement entre l’horreur, la science-fiction et la comédie dramatique. Pour sa nouvelle offrande, Cronenberg fils continue dans cette même lancée en plaçant son film dans le passé, soit 2008, mais en y ajoutant certains codes plus futuristes. Possessor nous garde cloués à notre siège, tant il est fascinant et déconcertant, versant plus d’une fois dans une violence extrême et faisant hommage au «body horror» qu’affectionne particulièrement Cronenberg père. «Pull me out!»


Sound of Metal – Darius Marder

4 ★ Sound of Metal – Darius Marder

(132 minutes – États-Unis, Belgique) – En location.

Ruben vit pour la musique. Il est le batteur d’un groupe de «noise metal» et sa copine en est la chanteuse. Les acouphènes font partie de son quotidien, mais c’est lorsque ceux-ci prendront le dessus sur son art qu’il décidera – bien malgré lui – de consulter un spécialiste. Le verdict tombe: il n’entend qu’à 20 ou 30% de sa pleine capacité et son audition se détériore rapidement. Il devra donc faire un choix: accepter la surdité et apprendre à vivre avec celle-ci ou poursuivre sa passion et attendre un miracle. Coécrit par Derek Cianfrance (qui nous avait offert le très bon The Place Beyond the Pines), Sound of Metal est un film immersif, bouleversant et assourdissant. Le design sonore est d’un tel réalisme qu’il nous fait ressentir la perte d’audition de Ruben avec lui, chaque cillement et perte de son nous fracassant les oreilles. Si le film ne gagne pas le prix pour le meilleur son aux prochains Oscars, je ne m’en remettrai jamais. Sur une note plus personnelle, il y a de la surdité dans ma famille et je trouve complètement renversant et très émouvant qu’un film puisse me faire comprendre et surtout ressentir un peu de ce que mes proches vivent chaque jour de leur vie. Quelle résilience.


Lovers Rock – Steve McQueen

3 ★ Lovers Rock – Steve McQueen

(70 minutes – Grande-Bretagne) – À voir uniquement sur Prime.

Se déroulant presque en temps réel durant une seule soirée des années 80, le deuxième volet de la pentalogie de films Small Axe de Steve McQueen est non seulement le meilleur de la série, mais aussi celui qui fait le plus de bien. Quoi de mieux et de plus réconfortant, en ces temps étranges de confinement, qu’un film se déroulant dans un party de maison, où les corps se bousculent, se rapprochent, se frôlent. Il y a quelque chose de si nostalgique et de si émouvant à voir ces jeunes adultes simplement en train de faire la fête et de danser jusqu’au petit matin. Ce film d’à peine 1h10 suit quelques personnages principaux lors de la préparation de la soirée, jusqu’au lendemain matin, alors que le jour se lève. Ces fêtes de maison surnommées «blues parties» étaient fréquentes dans les communautés Noires, car celles-ci vivaient trop de racisme dans les rues et les clubs pour que sortir en ville soit une expérience agréable. La prémisse peut sembler plutôt simple, mais l’exécution ne pourrait être plus réussie et la bande-son de feu vous donnera envie de vous lever de votre siège plus d’une fois. Que des «hits». Ces soirées entre amis me manquent profondément et Lovers Rock a réussi à m’y transporter. Pendant un moment, j’y étais moi aussi. Ça, c’est du cinéma.


Never Rarely Sometimes Always – Eliza Hittman

2 ★ Never Rarely Sometimes Always – Eliza Hittman

(101 minutes – États-Unis, Grande-Bretagne) – En location.

Le film d’Eliza Hittman est l’un de ces films qui vous marquent le cœur et l’esprit. Un peu à l’instar de 4 mois, 3 semaines, 2 jours (4 luni, 3 saptamâni si 2 zile) de Cristian Mungiu, le long-métrage aborde avec brio et franchise la difficulté qu’ont les femmes à avoir accès à l’avortement. Autumn, qui habite dans la région de la Pennsylvanie, tombe mystérieusement enceinte et ne souhaite pas poursuivre sa grossesse. Afin que ses parents ne soient pas mis au courant de la situation, elle devra voyager à New York pour visiter une clinique spécialisée. On la suivra donc dans son périple de quelques jours dans la grosse pomme, accompagnée de sa cousine Skylar. Le titre du film, Never Rarely Sometimes Always fait référence aux choix de réponses du cruel questionnaire qui est posé à chacune des femmes peu avant la procédure. Sidney Flanigan et Talia Ryder sont déchirantes de sincérité et leur jeu est non seulement hyperréaliste, mais aussi énormément poignant et honnête. Peu de mots sont échangés, mais les regards et les actions n’en sont que plus émouvants. Les images granuleuses d’Hélène Louvart tournées en 16 mm – et la plupart du temps en lumière naturelle – sont magnifiques et apportent un degré de réalisme essentiel à l’œuvre. Un film à voir pour sa pertinence capitale. Nécessaire, important, immanquable, essentiel.


Portrait de la jeune fille en feu – Céline Sciamma

1 ★ Portrait de la jeune fille en feu – Céline Sciamma

(121 minutes – France) – En location.

J’étais tellement déçu de ne pas avoir pu mettre ce film comme tout le monde dans mon top l’année passée… Attention, revirement de situation! Considérant que ce film est sorti au Québec le 14 février 2020, j’ai réalisé que je pouvais me permettre de le placer sans hésitation au sommet de mon palmarès cette année. Céline Sciamma nous a fait le plus beau cadeau de Saint-Valentin: une histoire d’amour déchirante et brulante de désir. En 1770, la peintre Marianne est engagée pour brosser le portrait d’Héloïse, car celle-ci se doit de marier un noble milanais. Les deux femmes passeront donc énormément de temps ensemble afin que Marianne puisse capturer tous les détails, toutes les beautés et imperfections d’Héloïse. Jamais le désir n’aura été aussi bien représenté, aussi palpable que dans les scènes d’esquisses où les regards veulent tout dire. Noémie Merlant et Adèle Haenel livrent toutes deux des performances plus que parfaites, dans une distribution presque exclusivement féminine. La caméra de Claire Mathon (L’inconnu du Lac, Atlantiques) capte ces instants de grâce clairs-obscurs et les magnifiques paysages de la Bretagne avec virtuosité et sensibilité. On se souviendra longtemps de cette scène chorale, ainsi que de cette finale chavirante où les larmes se font voir à l’écran et en dehors.


*Mentions spéciales*

A White, White Day (Hvítur, hvítur dagur) – Hlynur Pálmason: Alors que la brume s’abat sur une petite ville d’Islande, Ingimundur, récemment veuf, soupçonne que sa femme entretenait une relation adultère avec l’un de ses collègues. Sa vie ne sera plus jamais la même.

Soul – Pete Docter: Il est toujours impressionnant de voir Pixar réussir à traiter de façon si habile, sensorielle et émouvante d’un sujet si complexe que celui de l’âme humaine. Touchant.

The Truth – Hirokazu Kore-eda: Après Shoplifters, Kore-eda nous offre une charmante histoire de famille où Juliette Binoche et Catherine Deneuve se retrouvent entre mère et fille, alors que les conflits du passé ne sont pas complètement réglés.

Last and First Men – Jóhann Jóhannsson: Hypnotisant récit futuriste où les humains sont au bord de l’extinction, écrit en partie par le regretté Jóhann Jóhannsson (compositeur de Arrival) et narré par la mystérieuse Tilda Swinton. Un film expérience.

Tenet – Christopher Nolan: Malgré ses nombreux défauts, j’ai succombé à cet excitant film à grand déploiement dont les 2h30 passent surprenamment très vite.

A White, White Day (Hvítur, hvítur dagur) – Hlynur PálmasonSoul – Pete DocterThe Truth – Hirokazu Kore-edaLast and First Men – Jóhann JóhannssonTenet – Christopher Nolan


*Grandes attentes, grandes déceptions*

  • Color Out of Space – Richard Stanley
  • Mafia Inc. – Podz
  • Saint-Narcisse – Bruce LaBruce
  • You Should Have Left – David Koepp

Voir toutes les bandes-annonces:


Pour les cinéphiles plus gourmands, voici d’autres bons coups:

  • Beanpole (Dylda) – Kantemir Balagov
  • Sorry We Missed You – Ken Loach
  • Les quatre autres films de la pentalogie Small Axe – Steve McQueen
  • I’m Thinking of Ending Things – Charlie Kaufman
  • Shirley – Josephine Decker
  • Kajillionaire – Miranda July

Pour relire les palmarès des années précédentes: 2019, 2018, 2017, 2016 :~)
Relecture : Melodie Karama

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Antoine Proulx

designer graphique. fanatique de musique, de cinéma et d'art/ design/ mode. je vis pour du vin, du café et Thom Yorke. ☺✌

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