Par Sonia Reboul 20 avril 2015 dans Art & Expositions, Culture, Sortie & Spectacle

Arts visuels – Foire ACPT – L’art contemporain pour tous

Une nouvelle foire voit le jour dans l’écosystème de l’art contemporain montréalais. Initié par quatre galeries (Lacerte Art contemporain, Éric Devlin, Yves Laroche, et Robert Poulin), Art Contemporain Pour Tous (ACPT) se présente comme un évènement alternatif à la Foire Papier organisée par l’Association des Galeries d’Art Contemporain, avec pour objectif de faire découvrir un art contemporain pluriel, et d’affirmer son goût pour la diversité.

Parmi les dix galeries participantes, on retrouve des institutions reconnues et présentes sur la scène internationale (Lacerte Art contemporain, la galerie Éric Devlin, et la galerie Yves Laroche), mais aussi des galeries plus jeunes, comme la galerie Arp, la Galerie des Nanas, ou Espace Robert Poulin, pour qui l’évènement sera une opportunité de mieux se faire connaître.

Contrairement à la Foire Papier, les médiums exposés seront divers et variés. On y verra de l’art imprimé avec l’Atelier-Galerie A.Piroir (et, je l’espère, des œuvres de Ed Pien, que j’ai découvert à l’Arsenal récemment), mais aussi de la vidéo, de la photo, de la peinture, de la sculpture, du travail sur verre, du graffiti, ou encore de la gravure.

La palette de styles sera également très large, puisque les galeries participantes possèdent des lignes artistiques très différenciées. Ainsi, la galerie Arp est principalement influencée par l’architecture et le design industriel, alors que Trois Points se concentre sur des œuvres construites dans la matière et la couleur, ou sur la mise en avant du corps humain. Yves Laroche, l’espace Robert Poulin, et la Galerie des Nanas sont, eux, plus inspirés par le graffiti, la pop, le tatouage, la BD et le manga.

La diversité sera aussi présente dans le choix des artistes exposés. Le public aura l’opportunité d’admirer les oeuvres de jeunes artistes contemporains inuits, d’artistes femmes autodidactes, d’artistes québécois et étrangers faisant partie de la jeune relève, mais également de grands noms ayant marqué l’histoire comme Borduas, Riopelle, Serge Lemoyne, Jack Bush, Marcelle Ferron, Jean McEwen, ou Jacques Hurtubise.

L’objectif est de créer un évènement accessible, une rencontre qui se veut humaine et facilitatrice d’échanges entre les multiples acteurs du milieu culturel montréalais, et à terme international. Cornelia Mateias, fondatrice de la Galerie Arp, explique ainsi que « les foires marchandes sont une composante importante du marché de l’art (…). Elles facilitent la rencontre directe entre les divers acteurs du marché (…): les galeries d’art avec leurs artistes d’un côté et les collectionneurs, le grand public, la critique d’art, etc., de l’autre côté. Elles offrent un aperçu important sur l’évolution du champ de l’art de la région, d’année en année, car cette évolution est très dynamique. Elles nous permettent de voir où on se situe chacun, par rapport aux autres. Elle a aussi un rôle important d’introduire un nouveau public au monde de l’art contemporain. Nous ne sommes pas tous nés collectionneurs. L’appréciation de l’art contemporain se développe et les foires, si elles sont accessibles à tous, peuvent servir cette fonction. »

Une interrogation demeure cependant quant au positionnement de ACPT par rapport à la Foire Papier, qui aura lieu exactement aux mêmes dates. Selon ses fondateurs, ACPT est né d’une divergence de point de vue quant à l’élitisme de la Foire Papier, tant au niveau des supports présentés que de la sélection des galeries participantes, ainsi que d’un désaccord sur le nouveau lieu d’exposition, moins accessible car situé en dehors du centre-ville (dans le Mile-End).

Hors, Art Contemporain Pour Tous possède un programme et un état d’esprit visiblement différent de Papier, et pourrait aisément se définir comme un évènement complémentaire. Il est dommage que les dates choisies soient aussi conflictuelles, d’autant que les enjeux financiers sont bien réels dans le milieu culturel montréalais. Comme le précise Éric Devlin, « Les arts visuels sont intimement reliés à l’argent. La plus grosse foire au monde a lieu à Bâle parce que la Suisse a su attirer des fortunes du monde entier avec son secteur bancaire occulte. La deuxième plus grosse foire est à Miami, ville où convergent les fortunes d’Amérique du Sud. Il faut être réaliste. Il y a une grande créativité à Montréal, car c’est la ville la moins chère d’Amérique du Nord. Il faut donc organiser des évènements à notre dimension. »

Art Contemporain Pour Tous semble donc être une belle initiative et on ne peut que saluer son état d’esprit encourageant la diversité, les talents locaux, et la démocratisation de l’art contemporain. Pour autant, ses défis sont multiples: il s’agira d’attirer un public encore plus large, de séduire des acheteurs potentiels, mais aussi de conserver une cohérence qualitative dans le choix des œuvres, afin de se pouvoir progressivement s’imposer comme un évènement incontournable de la scène artistique contemporaine montréalaise.