Arts visuels – Les oeuvres incontournables de la Foire Papier 2017
Cette année, c’est dans l’espace gigantesque de l’Arsenal que la Foire Papier se tiendra jusqu’au dimanche 23 avril. L’incontournable rendez-vous des amateurs et professionnels d’art sur papier y fête ses 10 ans d’existence avec un parcours artistico-visuel de qualité. Elle représente toujours une très belle occasion de (re)découvrir un panel d’artistes canadiens contemporains ainsi que que les lignes artistiques de près de 40 galeries canadiennes. Voici une « petite » sélection autour de thèmes émergents contemporains : l’environnement, les mondes oniriques, la danse, et la politique… J’y ajoute également quelques « classiques » et mes coups de cœur personnels !
Dominique Pétrin chez Galerie Antoine Ertaskiran
Karine Vanasse, ambassadrice de la foire
Environnement, rapport à la nature, faune et flore
Impossible de passer à côté de l’imperturbable lapin blanc de « Hors piste » : capturé par l’appareil photo de Normand Rajotte, il semble figé dans le paysage, comme découpé puis collé par-dessus un fond végétal. Marie-Josée Rousseau, fondatrice de la galerie de photographies La Castiglione, explique que le photographe est parvenu à se rapprocher de l’animal car ce dernier pensait être camouflé par son poil blanc dans la neige, d’ordinaire présente à cette période-là. On saisit alors toute la portée environnementale de l’œuvre.
Au même stand, je vous recommande aussi de vous arrêter pour admirer la série « Conserver l’immobile » de Catherine Aboumrad. Aurore boréale et lever de soleil photographiés sur de longues expositions de quatre heures créent des ambiances de plénitude avec des aplats de couleurs complexes et d’une grande finesse. Un hommage au temps qui passe et une invitation au ralentissement.
Plus loin, Parisian Laundry présente le travail de Dean Baldwin. « Sotto il ponte, Tivoli », c’est un mystérieux trou noir au milieu d’un buisson. Un cliché qui pourrait être banale, mais dont l’étrangeté attire la curiosité. Que cache ce néant ? Quelle métaphore évoque-t-il ?
Autre artiste représentée par la galerie Parisian Laundry, Celia Perrin Sidarous nous dévoile une fabuleuse série de natures mortes Notte Coralli, récemment exposée au MAC dans le cadre de la biennale. Les couleurs douces et apaisantes appellent à la sérénité et à la pause. Il souffle un air de vacances helléniques… et, bien sûr, de paradis perdu.
Mondes oniriques et monstres
Avec Toko Hosoya, illustrateur canadien d’origine japonaise, nous embarquons dans un monde fantastique peuplé de créatures mi-humaines mi-animales. Ses deux œuvres « The Scavengers » et « Barbara » au travail minutieux – autant sur le plan graphique que colorimétrique – rappellent bien évidemment l’univers des Miyasakis (Galerie Mark Christopher).
Véronique La Perrière, elle, explore nos liens avec nos ancêtres et notre passé dans des créations poétiques réalisées à partir de différents médiums (dessin, collages, sculpture…) au fini délicat et à la portée fantasmagorique (Galerie D’Este).
« Vue de l’esprit (le futur inversé) »
Danse et mouvement contemporain
D’abord, il y a ces clichés captivants de photographies de Louise Lecalavallier réalisées par André Cornellier sur une durée de 9 ans. Ce photographe d’acteurs, de théâtre, et de célébrités, parvient à rendre à la fois toute la puissance et le charisme de cette icône de la danse contemporaine, mais aussi à dévoiler une certaine vulnérabilité sous-jacente (Art45).
Ensuite, il y a une série de photographies « L’arrêt » réalisées par Francoise Sullivan, artiste pluridisciplinaire chorégraphe-interprète, peintre et sculptrice. Seulement quatres images sont visibles au stand de la galerie Simon Blais, mais heureusement, Francoise Sullivan elle-même me révèle les autres clichés dans un recueil imprimé. L’œuvre prend alors tout son sens : il y est question de la fin d’une œuvre d’art… de ce moment où elle s’arrête et se cristallise, mais peut-être aussi de la fin d’une danse (ou d’une carrière ?). De ma discussion avec cette grande artiste nonagénaire, je retiendrai surtout le dernier tableau : un billet photographié où il est inscrit une pensée de Hegel « rien n’est et ne sera jamais plus beau ».
Politique
La série de photos « Le ‘Dust Bowl’ chinois » de Benoit Aquin présentée par la galerie Hugues Charbonneau raconte la désertification d’origine humaine dans le nord de la Chine. Dans ses clichés proches du documentaire, j’y vois une métaphore du choc entre les traditions et le modernisme, mais aussi une critique de l’apathie culturelle et sociale (allez également jeter un œil à sa superbe série « La chasse » ici).
Il est aussi question de politique dans les œuvres de Todd James. Camouflés sous un style muralesque pop hyper coloré, ses « trendy » terroristes nous font tout de même froid dans le dos… (Galerie Yves Laroche)
Jana Sterbak est connue pour utiliser des matériaux non conventionnels comme de la glace, du pain, du chocolat, des cheveux, de la sueur, de la pierre, du métal, ou même du feu, pour réaliser des œuvres qui tournent autour de thématiques du corps et de l’identité… Cette fois-ci, on peut admirer deux de ses créations hyper féministes : une robe de viande dans son cliché « Vanitas : Flesh Dress for an Albino Anorexic », ainsi qu’un fabuleux top transparent pour femme agrémenté de poils. À ne pas manquer ! (Galerie Laroche/Joncas)
Enfin, Kent Monkman révèle une série (présentée au MAC lors de la dernière biennale) sur les rapports de force entre peuples dominés et dominants. Son dessin-choc « The treaty of 1869 » s’amuse à renverser (ou pas!) les jeux de pouvoir…
Les classiques
Ma grande surprise de la soirée a été de tomber sur une peinture de l’artiste sino-français Zao Wou-Ki. Il s’agit de ma première rencontre « en chair et en os » avec une de ses œuvres, que j’avais jusque-là appréciées à travers les livres d’art de mes parents uniquement. Ses créations sont chaque fois de véritables voyages dans des mondes imaginaires aux multiples textures et dimensions.
Je vous conseille aussi de vous arrêter au stand de la Galerie La Castiglione pour y découvrir la série de clichés de Sorel Cohen « After Bacon / Muybridge ». Pour l’histoire, ces photographies oubliées au fond d’une caisse ont été redécouvertes par l’artiste. Elles sont un clin d’œil aux chronophotographies d’Eadweard Muybridge qui ont elles-mêmes servies de modèle à la célèbre peinture « Two Figures » de Bacon.
Enfin, pour les fans de Louise Bourgeois, rendez-vous au kiosque de l’Equinox Gallery pour y voir « Couples », un étrange dessin en lien avec sa sculpture en métal éponyme.
Coups de cœur personnels
Très belle découverte que Karilee Fuglem ! Cette artiste représentée par la galerie Pierre-François Ouellette Art Contemporain travaille la matière avec beaucoup de subtilité pour aborder les thèmes du visible et de l’invisible, de la transparence et de l’impalpable. « Holding you as steady as I can » est une sculpture ultra minimaliste jouant avec la lumière, dont je tire une interprétation très personnelle sur la « non-maitrise » des relations humaines et intimes… et que j’aimerais beaucoup voir évoluer au fil de la journée en fonction de l’intensité lumineuse.
Mon grand coup de cœur va pour Charley Young. Chaque année je prends toujours autant de plaisir à parcourir ses dessins de montagnes sur papier Mylar et à suivre la maturation de son style vers un tracé plus affirmé à la finesse déroutante (À voir au kiosque de la galerie Studio 21).
Il vous est aussi possible de visiter l’exposition en cours de l’Arsenal. N’y manquez pas l’expérience de réalité virtuelle signée Jon Rafman (récemment passé au MAC) et le miroir inversé de Anish Kapoor « Full moon ».
Courez-y, c’est jusqu’à dimanche !
Foire Papier 2017
Où : Arsenal Montréal
Quand: vendredi 21 avril 12 h – 21 h / samedi 22 avril – 11 h – 18 h / dimanche 23 avril – 11 h – 18 h
Détails : Facebook
Combien : entrée libre