Exposition – Do It : Art DIY à la galerie de l’UQAM
Do It : le titre sonne comme un slogan d’une marque de sneakers que je ne citerai pas.
La page Facebook de la galerie de l’UQAM nous renseigne : « Do it implique que l’institution d’accueil, les visiteurs et les artistes invités réalisent eux-mêmes les œuvres, celles-ci étant constituées uniquement d’instructions à accomplir ». On se demande ce qui nous attend. Est-ce un encore un de ces ateliers de création manuelle antistress? Va-t-on pouvoir, comme d’ordinaire, flâner passivement entre les œuvres? Ou s’embarque-t-on sur un terrain glissant où l’on risque de finir seul sur scène à s’improviser artiste d’un jour ?
DO IT est un projet évolutif et participatif qui en est à sa 24e version.
Initié par Hans Ulrich Obrist, son commissaire, il se base sur la bible Do It : the Compendium, qui compile 250 instructions (traduites en neuf langues!) parmi lesquelles la galerie en a pioché vingt pour les faire réaliser par la communauté locale (comprendre : des artistes reconnus, vous, moi… ) durant un mois. Une exposition fondée sur une sorte de manuel IKEA géant et artistique qui s’enrichit d’exposition en exposition, puisqu’à chaque nouveau DO IT, des artistes locaux sont invités à rajouter leurs propres posologies artistiques au manuel. « C’est mon projet open source. Tout le monde peut interagir » confie Hans Ulrich Obrist. À l’heure du DIY, des selfsticks, de l’entrepreneuriat sur fond de tutoriels YouTube, et de l’hyper narcissisme augmenté, cette thématique tombe à pic.
Sur place, on retrouve les instructions sélectionnées sur les murs et, de temps à autre, l’interprétation par un artiste local qui s’y rapporte. Pas de quoi décontenancer le spectateur passif donc : il est tout à fait possible de ne RIEN faire, et de vous interroger tout simplement sur ce que vous pourriez (ou ne pourriez pas) faire, ce que vous n’osez pas faire, ou ce que vous devriez faire… tout en laissant ses instructions défiler devant vos yeux.
Là est justement toute la question.
Et plus largement : pourquoi est-ce que les 98% de la foule présente à l’exposition ne font rien (hormis les 2% concentrés sur la fabrication d’adorables animaux en pâte à modeler, ou bien le traçage de lignes colorées sur un mur blanc…) ? Où sont passés les génies créatifs désinhibés à qui l’on demande de coller la plus grande surface de leur corps contre une cloison, de prononcer une série d’onomatopées à voix haute, ou, plus simplement, de sourire à un inconnu?
Pourtant, c’est facile ! L’instruction est là, devant nous : il nous « suffit » de l’exécuter.
On réalise alors que créer ou interpréter une œuvre (au sens large : une peinture, comme une chorégraphie, ou un morceau de musique…) requiert une bonne dose d’implication, de laisser-aller, de préparation, d’humilité, et surtout d’autodérision… Décidée à vivre l’expérience jusqu’au bout, je m’essaie à l’exercice du chorégraphe Paul-André Fortier et m’assieds sur une chaise, face à un coin de mur. Je tente, tant bien que mal de dessiner sur les pans des empreintes invisibles avec mes doigts. Même dos à mon (potentiel) public, je sens le malaise monter et le rouge attaquer mes joues d’introvertie.
Instruction do it de Paul-André Fortier, Empreintes, interprétée par Françoise Sullivan – Photo : L-P Côté, Galerie de l’UQAM
L’élévation artistique n’est pas là. Il faut s’y résoudre : je ne suis pas une artiste, simplement une personne assise sur une chaise trop basse, en train de faire des mouvements bizarres avec ses mains sans trop savoir pourquoi.
Alors où sont-ils, ces artistes ? L’exposition nous suggère discrètement une réponse dans le très beau film de Vincent Lafrance réalisé selon les instructions de Mario Garcia Torres où, à travers son mandat d’espionner un artiste reconnu, il nous laisse entrevoir sa vie à lui…
Instruction do it de Pierre Huyghe, Instruction, interprétée par Christian Lapointe / Photo : L-P Côté, Galerie de l’UQAM
#doitmtl
- Pour en savoir plus, un superbe clip explicatif
- Performances de danse et musique le 3 février de 12 h à 21 h
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Galerie de l’UQAM
- Quand : Jusqu’au 20 février, du mardi au samedi, de midi à 18 h
- Combien : Entrée libre
- Où : Université du Québec à Montréal, 1400, rue Berri, Pavillon Judith-Jasmin, Local J-R 120
- Site web
Crédit photos : Galerie de l’UQAM.