Festival Fringe – L’économie du désir : lever le voile sur ce monstre qui sommeille en nous

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« Fringe: not part of the mainstream; unconventional, peripheral, or extreme ».

En français, « fringe » signifie ce qui est au bord, à la marge, extrême. C’est un nom bien choisi pour le festival qui fête cette année 25 ans de créativité, de provocation, et d’émergence artistique. Fringe, c’est un évènement qui réunit plus de 500 artistes internationaux sur 750 représentations mêlant théâtre, mais aussi danse et musique, du 1er au 21 juin. Le principe est simple: les shows présentés sont tirés au sort et tous les profits vont aux créateurs. Tout le monde a donc la chance de passer sur les planches, et pour une dizaine de dollars, on peut y découvrir des petites pépites (comme des ratés!). Dans tous les cas, il s’agit toujours d’une expérience pleine de surprises et d’inattendu.

Cette année, je suis partie à la découverte de la pièce de théâtre T.A. L’économie du désir. Marie Sophia A. y met en scène quatre femmes en dialogue avec leur psychologue, et lève le voile sur un mal répandu mais méconnu. Le lien qui unit ces femmes d’âge et de milieu différents est cette maladie répondant au surnom énigmatique de T.A., porteur de multiples visages en -xie: anorexie, hyperphagie, bigorexie, ou encore orthorexie…

Ce personnage à la fois cruel et familier s’est imposé dans leur quotidien sans leur en demander la permission, pour s’immiscer progressivement dans leur routine. Insidieux, le monstre exerce sur chacune une véritable emprise, dont toutes sont pourtant bel et bien conscientes. Comme dans une relation passionnelle faite d’amour et de haine, elles élaborent des stratégies toute plus folles les unes que les autres pour s’en débarrasser… et finissent par retomber inéluctablement dans les bras de la bête. Chose surprenante, l’humour et l’autodérision sont toujours présents en filigrane et on rit beaucoup des situations cocasses dans lesquelles elles finissent par se mettre.c15148

Le pouvoir de la pièce est qu’elle est profondément ancrée dans le réel et qu’elle permet enfin de mettre des exemples et des situations concrètes sur les Troubles Alimentaires…. et par la même occasion de nous responsabiliser sur les symptômes visibles de cette maladie souvent bien cachée.

Pour autant, je m’interroge encore sur l’angle d’approche: pour traiter d’un thème aussi violent et profondément personnel, n’aurait-il pas fallu parler de vomissements, de doigts enfoncés dans la gorge, de remontées acides, de côtes saillantes et de cellulite? Car après tout, c’est aussi de cela dont il s’agit. N’aurait-il pas fallu prendre la thématique à bras le corps, la « fringer », et refuser en bloc son apprivoisement?

T.A. L’économie du désir : les 20 et 21 juin

Montréal, arts interculturels (MAI)
3680 Jeanne-Mance / Ghetto McGill
10 $ pour les étudiants

T.A.

Image de couverture: Montreal Gazette

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Sonia Reboul

Française plus très fraichement débarquée au Canada, amoureuse de culture expérientielle, sensible aux arts visuels, interactifs, et en mouvements (et instagrameuse à mes heures perdues).

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