Opéra – « Silent Night » : Fable humaine au creux des tranchées
Jusqu’au 23 mai, l’Opéra de Montréal présente Silent Night, une fable humaine et touchante nous transportant dans les tranchées lugubres de la Première Guerre mondiale où vacillera le temps d’une nuit une lueur d’empathie et de paix. Récit adapté au grand écran en 2005 grâce au film oscarisé Joyeux Noël, sa version opéra arrive à transmettre autant d’émotion et de spectaculaire sur scène à l’aide d’une scénographie impressionnante et d’acteurs enlevants. Un opéra accessible à la touche cinématographique que l’on savourera pour son exécution divertissante et son narratif émouvant inspiré d’une histoire vraie.
24 décembre 1914. Le monde est en guerre et l’on ne soupçonne en rien la violence inouïe de cette belligérance qui ne fait que commencer. Allemands, Français et Anglais se retrouvent sur le même front, confrontés aux bombes et à l’impudence des attaques ennemies. Alors que la veille de Noël s’installe sur le champ de bataille, les lieutenants des trois camps conviennent d’un cessé le feu jusqu’au 25 décembre. Ce qui devait être une levée de drapeau blanc temporaire se transformera bien vite en célébration communale et sympathique où ennemis fraternisent et se partagent campagne, whisky et photos de leur fiancée. La parjure militaire fera rapidement son effet: une fois l’ennemi humanisé, la guerre devient insoutenable : le triumvirat de la trêve résistera aux ordres. Confronté au dilemme entre devoir patriotique et fratrie humaine, les troupes seront vite marginalisées au profit d’amitiés touchantes au destin tragique.
Cet opéra trilingue jongle entre chants français, allemand et anglais, pour une adaptation des plus réalistes et rythmées. La saisonnalité du contexte est rapidement balayée de la main lorsqu’on se laisse charmer par l’histoire; la veille de Noël a bien beau se passer dans la neige, la rencontre humaine, elle, n’est pas soumise aux aléas du climat. Entre les bombes impardonnables se tiennent des hommes qui cherchent le silence, celui d’une nuit de paix. Les personnages en deviennent rapidement attachants, dont l’excellent Sprink, chanteur d’opéra qui incarne l’artiste brisé par l’horreur de la guerre, mais qui ose surmonter les différends entre clans pour rassembler les hommes autour de la beauté, quelques cantiques de Noël. Ponchel, le second du lieutenant français, comique sensible, incarne quant à lui la naïveté, celles des hommes qui ne comprendront qu’à rebours que la guerre changera la face du monde à jamais, et qui s’accrochent aux fragments d’un équilibre brisé – un bon café, un morceau de chocolat.
Sans redéfinir le genre, Silent Night est un opéra divertissant et efficace à la scénographie brillante qui nous transporte au front, là où le chant colmate l’humanité.
Silent Night @ Opéra de Montréal – 16, 19, 21, 23 mai 2015.
Signé Kevin Puts et Mark Campbell
Réservez vos billets par téléphone: 514-842-2112
Article : Catherine Martel
Photos : Boris Perraud