Cinéma- L’or du golfe : Un documentaire choc à voir
En ce 22 avril, jour de la terre au Québec, je vous invite à aller voir L’or du golfe au cinéma Excentris, un documentaire remarquable sur les enjeux et les risques d’une exploitation pétrolière imminente en Gaspésie.
Nous avons tous conscience de l’importance de la question énergique et de ses problématiques environnementales. Pour autant, le sujet est complexe, et il est extrêmement difficile de prendre de la hauteur de manière objective sur les réels gains, risques et intérêts en jeu. L’or du golfe réussit le pari de la vulgarisation : loin de tomber dans le cliché du documentaire écolo militant, il nous offre une prise de recul factuelle indispensable sur ce sujet.
Aux côtés de Kevin Parent, initiateur du projet et originaire de Gaspésie, nous partons dans le golfe du St-Laurent à la rencontre d’habitants, d’experts (scientifiques autant que financiers), mais aussi de lobbyistes et de représentants de l’industrie pétrolière. On y découvre que la région est un terrain particulièrement risqué : ses courants complexes, la proximité de ses cotes, et la présence d’icebergs – empêchant le contrôle de nappes phréatiques – multiplieraient de manière exponentielle les dégâts causés par une catastrophe. On apprend également que l’exploitation serait confiée à Corridor Resources, petite entreprise qui, comble de l’ironie, ne possède aucun forage en mer à son actif.
La force du documentaire réside dans son approche chiffrée, certainement influencée par le passé d’analyste financier du réalisateur et scénariste Ian Jaquier. Concret et logique, il ne mise pas uniquement sur la corde émotionnelle. Au rythme des paysages époustouflants, les données résonnent comme des arguments implacables et mettent en lueur le désengagement du gouvernement sur ces questions, et les risques financiers qui en découlent. On apprend ainsi que le Québec est l’une des seules régions au monde dont les redevances pétrolières sont aussi faibles (18 % contre 77 % en Norvège par exemple), ou que les permis de recherche pour un exploitant s’élèvent à $10 par hectare annuellement, alors qu’en Alberta et dans d’autres pays, ils sont obtenus aux enchères, à un prix 100 fois plus élevé.
Le documentaire dresse aussi un bilan financier : coûts d’exploitation d’un côté, maximisés par l’inaccessibilité des terres gaspésiennes; gains potentiels de l’autre, basés sur un rendement de 10 % à peine. Pour Éric Pineault, sociologue, économiste, et comptable, « Ça ne balance pas ». On est loin de la ruée vers l’or, et visiblement, c’est monnaie courante dans l’industrie: la plupart des entreprises pétrolières peinent à dépasser leur seuil de rentabilité; d’où la course effrénée aux nouveaux gisements… surtout lorsque le débit d’un puits tombe à zéro après quatre ans d’extraction en moyenne.
On s’interroge alors sur les réelles motivations de Petrolia. Certains interviewés suggèrent un scénario où son objectif principal serait un rachat par une multinationale de l’industrie, solution idéale lui permettant de rentrer aisément dans ses frais. Interrogés, les représentants de l’entreprise restent évasifs. Ils parlent de travail sur « l’acceptabilité sociale », de potentiels taux de rendement et de création d’emploi (mais dans quelle mesure, quand on constate que la main d’œuvre est généralement importée, et ce de manière ponctuelle?).
Le documentaire donne aussi la parole à la population locale. Au-delà des risques écologiques, on découvre que la problématique est également sociale. Le sujet fait naitre des conflits d’idéaux et d’intérêts au sein de petits villages où certains sont passés lobbyistes. L’anxiété est forte chez ces habitants, dont les deux principaux secteurs d’activité, la pêche et le tourisme, sont menacés.
Les terres du Dakota du Nord livrent un retour d’expérience concret en images: exploitées depuis presque dix ans, elles n’ont plus rien d’un eldorado. Parsemées de puits régulièrement en feu, elles ont des allures de Sin City, où laissés-pour-compte et millionnaires se côtoient, sur fond de vandalisme, de drogue, et de jets privés.
Au final, le jeu en vaut-il la chandelle?
Le besoin croissant et immédiat en énergie, associé à la rareté de la ressource, fait ressentir un besoin urgent d’exploiter de nouveaux gisements. D’un côté de la balance, on retrouve des risques importants de nature environnementale, sociale, financière, et économique, qui n’ont jamais été évalués sérieusement. De l’autre côté, il y a une promesse d’enrichissement qui se révèle être très incertaine avec, en toile de fond, une compagnie pétrolière inexpérimentée, et une législation de plus en plus souple en faveur des exploitants.
Le documentaire ne répond pas à la question, mais nous la suggère. À la fin de la séance, le sentiment d’impuissance est fort : on se sent comme David face à Goliath. Le documentaire nous donne envie d’aller plus loin, du côté des solutions… mais il faudra les chercher par nous-mêmes. On peut regretter le manque d’ouverture sur des propositions concrètes, mais là n’est pas le but de L’or du golfe. Des pistes seront, je l’espère, relayées sur la page Internet du documentaire, et sur les réseaux sociaux (Facebook / Twitter).
Documentaire-choc à la fois beau, instructif, et accessible à tous, L’or du golfe est à voir absolument, et à diffuser afin d’encourager une prise de conscience au niveau individuel.
L’or du golfe est présenté au cinéma Excentris tous les jours à 15:05 et 19:15 – jusqu’au 30 avril.
Réalisé en partenariat avec Radio Canada, il sera diffusé prochainement à la télévision sur trois grandes chaines.
Consultez le site web, Facebook et Twitter et jouez le jeu.
Prix du film gaspésien au dernier festival du cinéma documentaire de Gaspé, Vues sur mer 2015.
Article: Sonia Reboul