Par Querelles Blog 16 décembre 2014 dans Bouffe

Food – Ils en Fument du Bon : pimp ma saucisse

We Need to Talk About Meat – Rencontre avec Felipe St-Laurent, entrepreneur culinaire

Si Montréal est bien connue pour être l’un des incubateurs précoces des nouvelles tendances culinaires nord-américaines, peu auraient pu prédire que la charcuterie serait la nouvelle voie de la créativité. La saucisse, plus précisément, est devenue le canevas gourmand de l’un des entrepreneurs les plus colorés du microcosme alimentaire québécois. Felipe St-Laurent a donné le jour il y a maintenant deux ans à Ils en Fument du Bon, accouchant du rêve survolté de faire de la charcuterie de luxe la nouvelle « drogue » des foodies.

Son titre de « pimp de la saucisse » témoigne de la marginalité de son approche, tant dans le contenu que dans le contenant. Ses saucisses se démarquent d’abord par leurs assaisonnements débordants et psychédéliques : bacon et fromage en grain, smoked meat, fromage bleu et porto…. Faire du déjà-vu n’est pas un concept qui raisonne chez Felipe. Et quand vient le temps de mettre en scène ses produits, ce sont des raquettes de tennis, des vieux skis alpins ou des bats de baseball qui font office de plats de service. Une signature unique qui prouve qu’il y a toujours moyen de tout réinventer.

« Même ta mère aime ma saucisse »

IFB livre une expérience totale fusionnant avec singularité artisanat et folle modernité. L’expertise de Felipe provient d’abord d’Ulysse, son mentor et maître charcutier européen qui lui aura tout apprit du métier dans son garage : saucisses fraîches et fumées, cretons, terrines, têtes fromagées. À partir de cette base s’est développée l’ADN des produits Ils en Fument du Bon : de gros morceaux d’assaisonnement « rough » et goûteux– réminiscence de sa paresse de cook des premiers jours. Gros légumes, ciboulette, grain de poivre, oignon et autre se mêlent à de la viande de qualité 100% porc, positionnée à 125g et emballée sous vide.

Meat Macro

D’abord lancé sur un réseau marginal émulant celui d’un revendeur de drogue (commande sur référence, livraison par voiture, dépendance progressive), IFB s’est rapidement faufilé dans l’appétit des consommateurs en créant un engouement sur Facebook. « Pour moi, créer le buzz était important. Si j’avais fait comme tout le monde, ça n’aurait pas marché ». Et il fallait plutôt être fou – et surtout visionnaire – pour laisser tomber ses parts du traiteur de l’Auberge St-Gabriel pour se lancer dans la production de cretons et de saucisses. En s’amusant de façon stratégique sur les médias sociaux, Felipe a su créer un buzz gratuit et alternatif fondé sur la rareté : « Les gens voyaient un produit que personne ne faisait et ils ne pouvaient pas en avoir. » La frustration progressive de ses clients insatiables aura sonné le glas de la phase 1 du projet.

Le temple de la saucisse, rue Jean-Talon

Armé d’un bon associé, Ils en Fument du Bon a ouvert sa première boutique au Marché Jean-Talon en novembre 2013 dans un local accueillant et légèrement déjanté, totalement à son image. Depuis l’été 2014, l’entreprise de charcuterie de luxe investit un tout nouveau quartier, celui du Sud-Ouest de Montréal. On retrouve ainsi ses produits dans un petit comptoir de la rue Notre-Dame Ouest, où se côtoient saucisses, produits du Canard du Lac Brome et prêt-à-manger du restaurant adjacent Henri St-Henri.

IFB s’arrime à merveille avec le quartier en plein essor. L’objectif de ce deuxième point de vente était d’abord de rendre ses produits plus accessibles tout en gardant le contrôle sur la distribution. L’âme de IFB, c’est de faire du VIP et de l’exclusif. Sur Jean-Talon, on pousse l’expérience de marque, tandis qu’à Saint-Henri, on mise sur la praticité. Deux destinations en soit qui attirent des consommateurs accros aux saucisses des quatre coins de la province : « Tout le monde au Québec veut des saucisses !» se targue Felipe. Et il a bien raison d’être si fier.

L’empire charcuterie

IFB, c’est littéralement un empire de la charcuterie, une brand hors norme qui aura complètement redéfini les lois du buzz culinaire. En deux ans, Felipe aura bâti une entreprise sérieuse et solide à coup de courage, de bons partenaires (François Forest, son bras droit Danny), d’un réseau fort, d’un « insight » artisanal, et surtout, d’une personnalité incomparable, authentique et attachante. Puisque ni filtre ni masque n’interviennent entre la présence 2.0 de Felipe, son émission diffusée à Zeste et sa généreuse personne. Son avantage concurrentiel, c’est son cabotinage délicieux et rafraîchissant qui le rend accessible, et qui détourne habilement l’attention de son deuxième visage, celui d’un entrepreneur chevronné et travaillant qui pousse sa vision jusqu’au bout du goulot : « Quand je m’enligne dans un projet je le fais. J’ai tout visualisé et planifié ce qui arrive, c’est juste arrivé un peu plus vite et tout en même temps. Faut visualiser, après ça, toute se fait ».

Ils en Fument du Bon, c’est plus que de la saucisse. C’est un modèle d’affaires impeccable qui en moins de deux ans, s’est décliné en une émission de télé, deux boutiques, et des produits singuliers que s’arrachent les foodies. Mais surtout, c’est actuellement le buzz de produit alimentaire le plus fort au Québec.

2015 n’a qu’à bien se tenir, puisque Felipe se blase vite de la redondance. Nouveaux points de vente? Carte-cadeau? Site transactionnel? Nouvelle saison à Zeste? Si tout ce que Felipe touche se transforme aussi vite en or fumé de 6 pouces, nos estomacs n’auront qu’à bien se tenir.