Atelier Crudessence x Écosphère – Green is the New Rad
Montréal est verte. Et badass.
Tel était ma conclusion à la suite de l’atelier culinaire tenu dans les locaux lumineux de Crudessence et organisé dans le cadre de la foire d’environnement et d’écohabitation Écosphère (les 6, 7 et 8 juin prochains). Cet atelier visait en outre à nous sensibiliser aux bienfaits de l’alimentation vivante, ce qui revenait un peu à prêcher chez les convertis : à la question « qui connaît les graines de chia? » une majorité de mains se levèrent (à l’exception de celle de notre cher photographe Querelleur, tout à fait païen dans ce milieu de graines et de pousses). Je pourrais vous parler de ce qu’on a cuisiné ce jour-là (des raviolis de betteraves, un pad thaï cru, des brownies) et vous dire que c’était bon (délicieux, même), mais je n’apprendrais rien aux initiés, et ne cherche pas à convaincre les sceptiques. L’intérêt de cet atelier, et ce que j’aimerais transmettre dans ce billet, c’est qu’il m’a ouvert les yeux à la vivacité du «mouvement» vert au Québec. L’alimentation vivante, finalement, ce n’était qu’une ruse, une porte d’entrée sur quelque chose de beaucoup plus vaste. Ceux qui prennent le temps de passer cette porte découvrent un univers, dont la particularité tient à une question, une minuscule prise de conscience qui fait néanmoins toute la différence: quel est l’impact de mon geste?
Quel est l’impact de mes rénovations? D’où viennent les matériaux? Comment sont-ils venus jusqu’ici? Qui les a transportés? Où va le déchet que je jette à la poubelle? Qu’est-ce qui arrive aux déchets urbains une fois enfouis? Quels sont les coûts humains, financiers, logistiques de la paire de souliers que j’achète en rabais? D’où vient la viande dans mon sandwich? Sur quelle terre ont poussé les céréales qui ont nourri ce poulet?
Et mon smartphone? Les données que je mets dans mon dropbox sont-elles vraiment dans un « nuage » ou plutôt stockées dans d’immenses salles de serveur quelque part dans le nord du Québec, qui doivent être refroidies à des coûts énergétiques immenses?
Et même : quel est l’impact de mon interaction avec le commis de l’épicerie? Avec mes voisins, ma famille, mes proches? Des messages que j’envoie avec ma voix, mon regard, mon corps, mon ressenti?
Déjà, on en peut plus. Toutes ces questions oppressent – et c’est pourquoi on tend à les oublier. Heureusement, ils sont plusieurs – et de plus en plus nombreux — à y penser pour nous. La présence de personnalités telles que Sabine Karsenti, porte-parole d’Écosphère cette année, Marco Calliari, Jean-Sébastien Busque et Frédéric Choinière des Verts contre-attaquent, ainsi que du fondateur d’Écosphère, Éric Ferland, en témoignait, et visait aussi à nous rappeler qu’on est tous engagés dans ce questionnement, et pas seulement ton cousin avec des dreads.
On a cuisiné lors de cet atelier, mais on a aussi discuté. De sécurité alimentaire, du rapport aux producteurs et à la terre (merci Société Orignal) ou des initiatives food+tech (allô, Provender) qui visent à changer
notre système agroalimentaire. On touchait au cœur de ce que les fondateurs de Crudessence cherchent à transmettre : que la nourriture demeure le lieu privilégié de nos rapports, qu’ils soient intimes, humains, sociaux, environnementaux, politiques ou économiques. Comme ils l’expliquent très bien dans leur manifeste, «servir
des aliments vivants constitue une occasion privilégiée d’informer les gens et de les inviter à se livrer à une réflexion approfondie.» Parce que la nourriture, c’est un lien : à notre terre, notre environnement, notre communauté. Manger est un acte social et politique, et manger cru ce n’est pas seulement se soucier de sa santé, mais aussi de celle des autres – finalement, c’est se reconnaître interdépendant et cesser de se percevoir comme séparé du sol qui nous nourrit, des gens qui nous entourent, du système qui nous permet d’être ensemble. Et en plus, ça goûte bon.
Green is the New Black fût un snowclone assez efficace pour répandre l’idée d’une conscientisation avec de la classe. Mais on est déjà plus là. Maintenant c’est plutôt Green is the New Rad. La scène verte de Montréal n’est pas gentille et effacée. Elle est audacieuse, créative, engagée, pleine de pulsions et d’idées. Sa voix, malheureusement, porte mal au-delà de ses murs végétaux.
J’aimerais la relayer ici, sur Querelles.
Il y aura d’autres prises de conscience, et d’autres billets sur les acteurs de la scène verte de Montréal. Ils sont comme vous et moi, avec un petit quelque chose en plus : une question.
Retrouvez notre chronique foodie sur le restaurant Crudessence ici.
Article: Gabrielle Benabdallah, collaboratrice
Photo: Boris Perraud