Exposition – BEAT NATION : identité remixée

Sortie culturelle du temps des Fêtes @ MACM: BEAT NATION Art, hip-hop et culture autochtone

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Depuis l’adoption de la loi C-45 par le gouvernement Harper, un vent d’intérêt pour la condition autochtone parcourt le Québec et le reste du Canada. Le mouvement Idle No More, Jamais plus l’inaction, revendique un respect de la souveraineté et des droits des peuples autochtones. Appartenant à cette vague de contestation, l’exposition itinérante Beat Nation, présentée au Musée d’art contemporain à Montréal jusqu’au 5 janvier, dresse le portrait d’une jeune génération autochtone engagée. La réalité contemporaine de diverses communautés est traduite par un art actuel inspiré du Hip Hop, de la culture populaire et traditionnelle autochtone. Cette exposition est donc un amalgame d’éléments issus de plusieurs milieux donnant lieu à des œuvres multidisciplinaires et hybrides sur le plan culturel.

La plus grande force de cet évènement artistique est, selon moi, le traitement de la question de l’image stéréotypée de l’autochtone dans les œuvres vidéos. Via la vidéo s’effectue l’élaboration d’une identité culturelle allant au deçà de cette iconologie clichée de l’Indien, assis les jambes croisées, avec ses plumes et son calumet. Le remixage inspiré du Hip Hop est la technique de prédilection dans la construction des œuvres vidéos. Il permet de réunir et d’opposer en un même temps le rural et l’urbain, ainsi que le traditionnel et le contemporain. Cette stratégie rassemble différents éléments visuels et sonores qui, bien mixés par les artistes, construisent un ensemble homogène. Homogénéité qui autorise une élaboration d’un récit, d’une critique.

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Tsu Heidei Shugaxtutaan, part 1 2, 2011, Nicholas Galanin.

Par exemple, l’œuvre Tsu Heidei Shugaxtutaan partie 1 et 2 (2008) propose un mixage simple, mais efficace sur les plans visuels, sonores et narratifs. Les deux vidéos diffusées en boucle évoquent à mes yeux le paroxysme de la fusion entre cultures traditionnelle et contemporaine. La première partie consiste tout simplement en une représentation d’un danseur contemporain, David « Elsewhere » Bernal dansant dans une structure urbaine au rythme des percussions et voix de tlingits, une nation autochtone qui occupe l’Alaska du Sud-Est. Le performeur, par une gestualité actuelle, accompagne une musique traditionnelle donnant lieu à une mixité de culture franchement intéressante. Puis, la deuxième partie met en scène un danseur tlingit, vêtu d’un costume de corbeau traditionnel. Ce dernier exécute une danse rituelle au son d’une musique électronique. Cette œuvre consiste en un croisement de plusieurs cultures, enchevêtrement doté d’une cohérence prouvant que la mixité culturelle, aussi traditionnelle que contemporaine, est possible et conséquente.

Toujours en lien avec la construction d’une identité fidèle à la réalité autochtone actuelle, l’artiste Jackson 2Bears avec son œuvre vidéo Heritage Mythologies (2012) traite de cette question du stéréotype culturel. La technique de remixage est particulièrement bien rendue dans ce travail artistique. Une teinte d’humour, due à la combinaison de multiples éléments, construit une critique de la figure autochtone caricaturée. Par exemple, l’artiste intègre dans sa vidéo, où images de contestation autochtone et emblèmes canadiens clichés dominent, la célèbre publicité LaKOTA (que pouvez regarder ici, si vous avez des douleurs arthritiques). Alors, parmi des images historiques percutantes et une trame sonore Hip Hop, il y a une reprise du stéréotype indien. L’artiste, en mettant cette figure emblématique de l’iconologie culturelle à travers des représentations réelles de l’autochtone d’aujourd’hui, parvient à abolir cette conception redite de l’indien. Une construction mentale narrative se déploie à la vue de ces images mises en relation. La publicité évoquant la figure clichée traditionnelle combinée à des images signifiant l’évangélisation des autochtones dans les couvents génère une forte critique. Possédant une puissance symbolique, les images choisies par Jackson 2Bears créent un discours redéfinissant l’identité autochtone, ou du moins, déconstruisant un stéréotype culturel.

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Kent Monkman, Dance to Miss Chief, 2010. Image tirée d’une monobande vidéo.

Autre point positif de cette exposition, les œuvres sont accessibles grâce à la mise en place de cartels permettant une mise en contexte des créations, pratique peu courante au Musée d’art contemporain de Montréal. Ainsi, le travail de commissaire effectué par Kathleen Ritter et Tania Willard de la Vancouver Art Gallery (là où a été organisée et présentée pour la première fois l’exposition) et de Mark Lanctôt, permet d’en apprendre davantage sur les cultures autochtones diverses, aspect plutôt intéressant dans cette optique d’une démystification de l’art autochtone.

À voir absolument durant le congé des Fêtes!

Musée d’Art contemporain de Montréal

185 rue Ste-Catherine Ouest / Centre-Ville

BEAT NATION: jusqu’au 5 janvier 2014

Article: Laurence Garneau

 

Image et vidéo: MACM, Le Devoir

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