Cinéma – FNC: L'Inconnu du lac, sexe, provocation et vacuité

L’INCONNU DU LAC
Un film d’Alain Guiraudie,
mettant en vedette Pierre Deladonchamps et Christophe Paou.

L'inconnu

LE SUJET

Le film entier se déroule au lac, sur une plage fréquentée presque exclusivement par des hommes homosexuels aux mœurs légères ainsi que dans la forêt avoisinante qui accueille bon nombre de rencontres sexuelles fugaces. Franck (Deladonchamps) s’éprend rapidement d’un bel inconnu, Michel (Paou), qui possède autant de charme que de secrets. Un soir, Franck le surprend en train de noyer son amant, mais, aussi fasciné que bouleversé, choisit de poursuivre sa relation avec Michel. Alain Guiraudie a réalisé une dizaine de films au cours des vingt dernières années, mais c’est celui-ci qui lui a obtenu le plus d’attention. En première à la dernière édition du Festival de Cannes, L’Inconnu du lac a remporté le prix du meilleur réalisateur dans la catégorie Un Certain Regard.

LE PUBLIC CIBLE

Ceux que le cinéma gai intéresse, surtout : centré autour du concept de cruising, associé de très près à la culture homosexuelle, parsemé de scènes de sexe et de nudité et choisissant d’explorer ses thèmes plutôt que ses personnages, L’Inconnu du lac est moins universel que, disons, La vie d’Adèle ou Weekend et aura sans doute bien plus de difficulté à atteindre le courant principal.

L'inconnu 2

NOTRE OPINION

Il n’y a nul doute que la danse entre mort et désir qui ancre le film est captivante. Étrangement, elle est toutefois traitée comme une fin en soi, comme si sa simple présence suffisait, et non un point de départ d’où découleraient une exploration psychologique et un réel suspense. Le choix de se concentrer sur le comportement de personnages opaques est certes intéressant, mais la ligne est bien mince entre des personnages « page blanche » auxquels on peut s’identifier et d’autres complètement insipides. Ici, leurs pensées et émotions, si révélées, sont superficielles, leurs conversations sont monotones et sans saveur et ils ne semblent connaître que trois ou quatre états d’âme de base. Au final, malgré le jeu inspiré des acteurs, on se retrouve avec deux hommes qui paraissent inintelligents et dont la vie se résume à la drague et au sexe sans attache. C’est d’un vide un peu déprimant, et force est de constater que le potentiel viscéral du film est largement gaspillé.

En fait, la plus intéressante des relations se trouve à être celle entre Franck et Henri (Patrick Dassumçao), un divorcé hétérosexuel qui passe aussi son temps au lac (et ne possède pas le physique avantageux de Franck ou de Michel). Les deux hommes se nouent d’amitié et développent une dynamique surprenante qui, elle, défie les clichés.

La retenue de Guiraudie est aussi à souligner. La porte de secours offerte par le thriller grotesque à la De Palma aurait pu être tentante, mais Guiraudie opte pour un rythme lent et une atmosphère dictée par le calme et la menace du lac. L’Inconnu du lac rappelle d’ailleurs par moments les distingués thrillers de Miller et même de Chabrol. Le tout bascule de manière un peu brusque lors du dernier élan, mais Guiraudie conclut le film habilement en s’assurant de préserver classe et dignité. (En revanche, il n’exerce absolument aucune retenue au niveau de la nudité et du sexe.)

NOTRE VERDICT

Malgré une exécution assurée, il est difficile de passer outre le scénario diffus et peu recherché qui se presse à satisfaire les intentions du cinéaste en oubliant de donner vie à son histoire.

2.5/5

À l’affiche le 21 octobre

Bande-annonce: 

Article: Philippe Ostiguy et Anne-Sophie Létourneau-Hudon

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