C2-MTL – Part II : Le meilleur (et le pire) des conférences
En ce deuxième volet de mon expérience C2-MTL, je poursuis mon palmarès des meilleurs conférences, pour leur contenu inspirant et leur rendu dynamique. Ces trois jours de fusion entre commerce et créativité ont laissé place à du grand, du beau et du bien fait. J’en suis revenue globalement enthousiasmée de voir en Montréal ce potentiel créatif, cette vitalité, cette scintillante fibre design qui permet d’attirer des entrepreneurs des quatre coins du globe. Parce que mettre Montréal sur la map implique aussi de stimuler le networking international pour s’inscrire dans une vision globale. Le Boot Camp « War on Drugs » initié par Sir Richard Branson et Sid Lee, et le collectif Eye50 regroupant des jeune créatifs internationaux dans un think tank novateur ont certainement raffermit et rafraîchit l’espoir que j’ai en notre ville. Et notre génération.
Et parce qu’on ne peut pas non plus uniquement se targuer d’être les plus beaux et les plus fins, j’ai décelé les quelques lacunes de l’évènement, dans le but que la 3e édition de C2-MTL repousse ses limites encore plus loin.
Top 5 des meilleures conférences de C2-MTL – 2ième partie
#2. Pour la performance la plus électrique, daring et divertissante – Andy Nulman, président de Juste Pour Rire
La réputation de Nulman n’est plus à faire. L’homme d’affaires aime prendre des risques, sortir de sa zone de confort et inviter le public à faire de même. Il s’est donc donné pour mission de faire un gros doigt d’honneur au conventionnalisme barbant des conférences traditionnelles. Et il ne s’est pas retenu de narguer les conférenciers de C2-MTL qui se cachent gentiment derrière leur Power Point pour parler de créativité. Pour Andy, « to write creatively, you need to jump off a cliff and grow wings on your way down ». Prendre des risque est un moteur de proactivité: « It’s about having the guts to throw something at the world ». Et pour exemplifier sa vision, rien n’est mieux que de se lancer dans l’arène. Publiquement. Nulman s’est donc donné comme défi de démontrer un processus créatif spontané devant la foule, en brainstormant sur des images aléatoires qu’il n’avait jamais vu a priori. En plus des chanteuses sur le stage, quelques steppettes et un humour scabreux pour extraire le malaises hors des quelques invité stuck up encore coincés dans leur cravate. La créativité se doit d’être épique: « You risk disaster because the reward of offbeat creative leaps can be so great and memorable ». Et rester dans sa zone de confort n’est pas une option: « We can hide behind security, but really, where is the challenge, the risk, the creativity, the fun? There is no creativity without the risk of outward defeat and failure. Without risk, you are only repeating. » De son exercise créatif a émergé trois mantras pour se challenger : 1. Change your perspective. 2. In creativity, two wrongs make a right. 3. Put yourself in the world. Du bon divertissement et du coaching proactif à la pelleté.
Le takeaway: « Creativity has to be lived, experienced. Believe in yourself and grow wings. »
1. Pour le discours le plus inspirant et approfondi sur le capitalisme conscient – John Mackey, fondateur et PDG de Whole Foods.
Le fondateur de Whole Foods m’a littéralement envoûté avec son discours. Parce qu’il a su définir l’importance de la culture, des valeurs et du sens d’une entreprise pour faire une différence et se démarquer: « Don’t create a narrative around money, but purpose. » Il a su décortiquer les grands axes qui ont fait de Whole Foods une entreprise à succès, et ce que les entrepreneurs devraient mettre en pratique pour transformer leur approche capitaliste en capitalisme conscient (Conscious Capitalism): « Trust, love and integrity are pillars of a conscious business culture ». Bien que sa présentation fut très « Power Point », peu colorée comme Andy Nulman et foncièrement exhaustive, je me suis sentie transportée et empowered par ses propos. Comme si la clé d’une économie plus consciente et humaine était à notre portée, maintenant, pour faire de demain un monde meilleur. Il est d’ailleurs l’auteur d’un bouquin qui creuse d’avantage les concepts présentés en 30 minutes à C2-MTL. Son point: « Creating value for customers through leadership and by defining culture. Conscious cultures infuse work with a deeper sense of meaning. » Et qu’est-ce que ce concept de culture? Elle permet de redorer l’image d’une entreprise et s’articule atour de l’acronyme TACTILE:
- Trust: « Building high trust implies giving that trust first, to your employees and clients. With trustworthiness comes, accountability, love and care. »
- Authenticity: Être vrai et authentique.
- Caring: L’amour devrait être au centre des actions d’une entreprise. « Cultures create innovation with a sense of caring. Women with higher leadership roles bring love out of the closet ».
- Transparency: Un des mandats de Whole Foods fut d’assurer la transparence totale de leurs profits et transactions. En 2006, Mackey s’est même donné un salaire de 1$!
- Integrity
- Learning: « Knowledge is not stuck in a few, but diffused in the organization. Decentralize as much as possible ». « People are a source, not a resource. »
- Empowerment: « Let people try things. Experimentations is fundamentally creative. Innovation is allowed by experimentation, and failures should not be punished. Celebrate success. »
Mon cerveau n’arrêtait pas de faire des liens tout le long de la conférence. Et étonnement, surtout avec mes cours de psychologie de la motivation. Puisqu’au final, une entreprise humaine et consciente impacte positivement ses employés, ses clients et le monde qui l’entoure. Elle supporte la motivation intrinsèque des individus en diffusant une culture et des valeurs saines par un narratif inspiré. Être motivé intrinsèquement, c’est se sentir plus autonome, en maîtrise de ses moyens et actions, donne un sens à nos vies. Et stimule notre créativité pour façonner un monde meilleur. (Vous voyez ce que ça me fait des conférence de même, je me transforme en messie!!)
Le takeaway: « Culture eats strategy for breakfast. Strategy without purpose is like a pretty highway not leading you anywhere. »
Top 3 des fails C2-MTL, i.e. ça valait vraiment 3 600$ ?!
#1. L’accent de Philippe Starck
Soit, l’homme a su se façonner un trône dans l’industrie du design de par ses créations innovantes d’un côté hyper démocratisantes (on se souvient de sa fameuse brosse à toilette et de son presse-jus) et de l’autre totalement exubérantes (genre ce yacht designé pour feu Steve Job). Mais quel intérêt de faire monter sur scène un personnage avec un background aussi intéressant et une verve aussi divertissante si ce n’est pour le laisser baragouiner un anglais douloureusement cassant? Je peine à croire qu’en 40 ans de carrière personne ne se soit évertué à lui faire prononcer le mot « idea » correctement (non, on de dit pas « ideeh »). Ouch. La forme en a presque pris le dessus sur le fond tant il était difficile de décoller notre attention de son accent gluant. On aurait bien mieux aimé l’entendre dans sa langue natale et le voir approfondir ses concepts. Heureusement, il y eu tout de même quelques tangentes inspirantes à extraire de son discours, telle que les tenants de sa démarche: l’éthique (« We are responsible of our creativity. It’s a duty »), la convergence, la subversion, la démocratisation, l’invisibilité et la dématérialisation (dixit Louis Ghost). Puis, ce qu’il perçoit dans le futur du design: la démocratisation de l’écologie (« product should make energy »), le bionic et la mutation (« There is no legitimacy if the idea is not framed in the big picture of humanity. Everything we do should help our mutation »). Le personnage Starck fut exécuté à la perfection, on le sentait très confortable dans son rôle par sa prestance presque caricaturale: « I’m not a businessman, I’m a professional dreamer ».
#2. Le ton trop conversationnel de la conférence de Sir Richard Branson: When casual-cool kills the show
On comprend certainement que C2-MTL souhaite se différentier des autres conférences en adoptant un ton casual-creative, où le costard et la cravate n’étaient pas les bienvenus, et où les speakers son invités à dialoguer avec un host pour détendre l’atmosphère. L’exercise méritait cependant un reality check puisque le conférencier n’avait qu’une maigre demi-heure pour exposer sa vision et engager la foule. Assis sur son lazy-boy, Branson, l’entrepreneur légendaire derrière le méga empire Virgin, semblait déstabilisé par la formule, voire mal préparé. L’abondance de « euuuuh » et l’absence d’approfondissement de ses réponses me rendu presque mal à l’aise. Quelques vidéos corporatives sur ses projets Virgin Galactic (le premier service de transport pour aller dans l’espace. Oh yeah) et Virgin Unite (fondation caritative) auront su partcher les silences et satisfaire l’appétit de la foule. Malgré tout, j’ai particulièrement aimé sa façon de répondre aux questions du public, très engageante, humaine, humble, à presque converser avec ses interlocuteurs pour sceller l’esprit dialogique de l’exercise.
#3. Twelve-ID – Cachez ce défilé que je ne saurais voir
Douze créateurs montréalais étaient invités à façonner une pièce pour C2-MTL, créations dévoilées lors du party de clôture et fêter les 5 ans de Dress to Kill. Anastasia Lomonova, Martin Lim, Barilà, Philippe Dubuc, by THOMAS, Denis Gagnon, Nadya Toto, UNTTLD, Ying Gao, DUY, Marie Saint Pierre et Harricana ont ainsi fait office de délégation de la mode de Montréal lors de cet évènement international. Stéphane Leduc de Dress to Kill nous avait présenté la veille des sneak peak des créations, et j’étais des plus enthousiastes à l’idée de couvrir cet évènement d’envergure qui aurait facilement pu faire une différence pour quelques créateurs avides d’une plus grande exposure. Mais, fail ultime, l’erreur de la soirée fut de ne pas annoncer le début du défilé par l’habituel tintement du gingle d’Intel comme pour les conférences, et surtout de ne pas désengorger la foule qui se pressait d’entrer dans le forum. Résultat: j’ai mal gagé mes repères. Dubuc bien posté dans le file, que je surveillais d’un coin pour ne pas manquer le show, n’est lui-même pas entré dans la salle à temps pour voir son défilé! C’est donc dans la plus grande déconfiture que j’ai vu Marie St Pierre et Simon d’UNTTLD se ruer vers la sortie, gesticulant et outrés de voir leur création présentée dans ce context de chaos le plus total. Pas de présentation ni d’identification. Pas de catwalk pour permettre d’apercevoir les mannequins au travers de la foule compressée. J’étais donc toute aussi déçue que les créateurs de voir la note final de cette superbe semaine se ternir d’amertume… Heureusement pour nous, Anik a été plus vite sur la gachette que moi et nous offre des photos front row des 12 créations sublimes!
UNTTLD, Anastasia Lomonova et Denis Gagnon (crédit photo: Anik Lacasse-Richard de Montreal in Style)
#3.5: Mention d’honneur au hot dog à 20$ qui m’a fait rougir de honte.
Est-ce donc impossible d’offrir de la bonne bouffe à des prix raisonnables? Même les brezels de la Ronde avait l’air d’être un deal à côté des options lunch de C2-MTL…
Et sur une note plus positive:
Coup de coeur pour les geeks de C2-MTL: Apprivoiser la prochaine phase de la révolution informatique en trois étapes faciles
Trois autres conférences m’ont happées de plein fouet. Une vraie revanche des nerds.
- Hilary Mason et son Big Data (scientifique en chef chez Bitly): Basically, les données disponibles sur le web révèlent nos comportements et attitudes. Ce qu’on achète en ligne et les liens qu’on partage et consulte sont grosso modo analysés par des scientifiques et statisticiens pour décortiquer le monde dans lequel on vit. Voilà ce que fait Hilary Mason chez Bitly (et pourquoi elle a révolutionné Twitter, entre autre): comprendre les données pour comprendre l’humain. Sa présentation sur l’importance du data dans nos vies m’a très honnêtement laissée bouche bée. Parce que je suis complètement noob en coding et langage web, mais surtout parce que leur importance fondamentale dans nos vies passe trop souvent sous mon radar. Mason nous a offert un reality check bien mérité en discutant de l’oligarchie des données: « There are companies you have never heard of who collect your data and Facebook status. There is an asymmetry of data possession and creation ». Et ce phénomène sera encore plus central aux débats sur la vie privée dans les prochaines années. « We need to know how far your data can go outside of your control » confirme-t-elle. Elle donne l’exemple de son compte Flickr qui peut donner accès à une quantité incroyable d’information sur sa vie: ses déplacements, où elle vie et travaille… Il faudra être plus conscient de ce qu’on offre au web. Sa mission: « I want to built the Internet world I will live in ».
- Neri Oxman et décrypter la nature pour innover (designer et directrice du MIT Media Lab): La biomimétique est au centre du son travail novateur et du développement de nouvelles technologies. Elle articule sa recherche autour de la création de nouvelles matières et l’impression 3D. En plus, elle est juste trop belle pour vivre.
- Steve Brown et la science fiction de demain (évangéliste en chef et futurologue chez Intel): Comment les robots et le data vont transformer nos futures expériences? Brown nous aura prévenu: les ordinateurs changeront encore plus la face du monde dans les prochains 10 à 20 ans. Attendez-vous à voir arriver sur la marché des ordinateurs capables de voir et entendre.
Le cocktail Chromatic Art/Affaires @ Fonderie Darling
MASSIart nous conviait à la Fonderie Darling pour visiter sa toute dernière édition du festival Chromatic qui regroupait une centaine d’oeuvres et artistes de toutes disciplines – sculpture, dessin, peinture, streetart et art graphique.
Article et photos: Catherine Martel