Par Milly Alexandra 12 juin 2015 dans Art & Expositions, Culture, Sortie & Spectacle, Voyage

Arts Visuels – 12e Biennale de la Havane: entre l’Idée et l’Expérience

Depuis le début du mois de mai, tous les regards sont braqués vers Venise qui capte l’attention des amateurs d’art contemporain avec la 56e édition de sa célèbre biennale. Un autre événement artistique similaire et d’envergure internationale se déroule toutefois tout près de nous, plus au sud: la 12e Biennale de La Havane. Moins courue par les Occidentaux, La Bienale de la Habana est pourtant un point de convergence important pour les acteurs phares des scènes artistiques actuelles des Caraïbes, de l’Amérique Latine, de l’Afrique et du Moyen-Orient. La découverte de cette biennale organisée par Cuba, un pays dit émergent, pour les artistes originaires des pays en voie de développement, est une expérience complètement dépaysante et définitivement enrichissante.

Fondée en 1984, la Biennale de la Havane est une manifestation artistique visionnaire et construite en paradoxes qui a comme mandat la promotion de la production artistique contemporaine qui existe en dehors du circuit occidental traditionnel. Si des artistes de tous les continents y exposent, le travail d’artistes originaires des Caraïbes et d’Amérique Latine forme encore aujourd’hui la majorité du corpus de l’exposition. Cette année, on retient les noms de Tino Sehgal, Anri Sala, Eduardo Kac, Daniel Buren et Anish Kapoor à titre de grandes pointures internationales.

La proposition commissariale de cette douzième biennale cubaine, Entre l’Idée et l’Expérience, reflète une conception particulière de l’organisation géographique de l’événement. Selon les commissaires, au fil du temps, il s’agit de transformer le concept de l’exposition et d’y intégrer organiquement l’architecture, la culture et la population locale. Ainsi, la biennale de la Havane se veut à présent et dans l’avenir plus qu’un simple rassemblement d’objet d’art; il s’agit de créer une expérience collective où les visiteurs sont activement impliqués. C’est également une des raisons pour laquelle cette Biennale n’est pas localisée centralement dans la ville et qu’elle se trouve plutôt répartie à travers les nombreux interstices de la Havane. Le Malecón, une grande promenade bordant le nord de la ville, fait par exemple office de lieu d’exposition en exposant plus d’une trentaine d’œuvres offertes, gratuitement et à toute heure du jour, aux touristes et aux locaux qui viennent admirer la mer. L’accès à la plupart des œuvres d’art est orchestré de sorte que la population locale puisse également profiter de cet événement international et c’est selon moi une grande réussite de cette Biennale qui se veut inclusive et non élitiste. Ainsi, Entre l’Idée et l’Expérience guide le choix commissarial des propositions artistiques, en plus de décrire le processus d’expérimentation culturelle du visiteur.

Artistes coup de coeur

WILFREDO PRIETO (Cuba)

SERGIO HERNÁNDEZ (Mexique)

REINIER NANDE (Cuba)

MICHELANGELO PISTOLETTO (Italie)

JESÚS HERNÁNDEZ-GUERO (Cuba)

Lieux clés

Au centre de la ville, deux édifices forment le Museo National de Bella Artes et celui consacré à l’art cubain, le MNBA-Arte Cubano, vaut absolument une visite. De façon chronologique, on y présente les transformations esthétiques et historiques qui ont mené aux transitions des mouvements artistiques, de l’époque coloniale à aujourd’hui.

Du XVIe au XIXe siècle, l’art cubain est d’abord caractérisé par un style calqué sur celui des colons espagnols. Une unicité esthétique apparaît pour la première fois dans l’art national au tournant du XXe siècle, au moment des grands bouleversements artistiques, et on note l’artiste Rafael Blanco comme le premier moderniste cubain. Quelques décennies plus tard, les avant-gardes européennes, telles que les cubistes, les surréalistes, et les futuristes, influencent le développement de l’art cubain; néanmoins, ces appropriations plastiques se font subtilement et dans un contexte social et historique complètement diffèrent de celui du monde occidental. Ainsi, l’art moderne cubain semble être un art métissé qui se trouve à la confluence de références extérieures et de préoccupations esthétiques, politiques et artistiques propres à la culture cubaine et à son contexte politique. La figure de proue de cet art contemporain atypique est sans aucun doute Wilfredo Lam, artiste reconnu à l’international pour son art libertaire, symbolique et solidaire à la condition du peuple cubain. Le Centre d’art contemporain Wilfredo Lam est d’ailleurs un autre lieu phare de la Biennale qui sert de quartier général aux organisateurs de l’événement.

Visiter la Havane est une expérience incroyable et déroutante qui permet de comprendre un peu mieux le pays complexe et unique qu’est Cuba, et Il n’y a pas meilleur moment pour aller voir les richesses culturelles et la beauté architecturale inhérentes à la cité havanaise que lors d’une de ses biennales.