Cinéma – FNC: Miss Violence, choc éprouvant mais inoubliable
MISS VIOLENCE
Un film par Alexandros Avranas,
mettant en vedette Themis Panou, Reni Pittaki et Eleni Roussinou
LE SUJET
Le jour de son onzième anniversaire, alors que sa famille coupe le gâteau et danse sur les airs de « Dance Me to the End of Love » de Leonard Cohen, Angeliki se laisse tomber du balcon de l’appartement familial. Quelques instants avant son saut, elle fixait la caméra d’un sourire triste, mais fier et résigné.
La famille soutiendra que sa mort était un accident et ne cherchera aucunement à comprendre l’acte; d’ailleurs, les efforts qu’elle entreprendra pour effacer toute trace d’Angeliki et de la tragédie seront d’une véhémence douteuse. Comme vous le devinez, les secrets du quotidien de cette famille se révèleront un par un – et ils sont sombres. Très, très sombres.
LE PUBLIC CIBLE
Miss Violence n’existe que pour ceux qui n’ont pas froid aux yeux, ceux qui peuvent accepter le pire de l’homme, les fans de Lars Von Trier et Michael Haneke.
NOTRE OPINION
Si la description du public cible se lisait comme un avertissement, c’est qu’Alexandros Avranas n’y va pas de main morte. Le film peut être lu d’une part comme un cri d’alarme de la Grèce, la crise économique et sociale du pays pesant lourdement en arrière-plan, et d’autre part, du point de vue plus individuel du noyau familial, comme une dénonciation de la complaisance de l’homme face à l’abus. Plus on en apprend sur cette famille, plus elle devient horrifique – au point d’en devenir un peu trop révoltante. Il n’y a rien de mal à vouloir raconter de telles histoires, bien au contraire, mais les limites du bon goût ne sont pas pour autant à oublier; le choc aurait facilement pu être senti sans sombrer aussi bas.
Ceci dit, si Avranas, qui réalise ici son premier film, pousse la note avec les évènements qu’il fait subir à ses personnages, il se montre plus compatissant au niveau de l’exécution. Malgré les horreurs qui se déroulent derrière portes closes, il n’y a que deux scènes qui sont réellement dures à endurer (et encore là, la deuxième aurait pu être bien pire). De plus, son superbe sens de l’esthétique – ses caméras statiques, ses plans précis et calculés et les décors et couleurs hyper-stylisés qui rappellent parfois Wes Anderson – crée l’impression d’une maison de poupées et fait en sorte que le spectateur n’oublie jamais que Miss Violence n’est qu’un film. Et on l’en remercie.
Il faut aussi souligner le jeu des acteurs, assez subtil pour passer inaperçu à première vue, mais qui, somme toute, donne à cette histoire une bonne part de son authenticité. La distribution entière est excellente, mais Eleni Roussinou est particulièrement mémorable dans un rôle assez ingrat, celui d’une femme trop faible pour se révolter à son compte ou même à celui de ses enfants, mais dont la vulnérabilité à fleur de peau est profondément bouleversante.
NOTRE VERDICT
Nul doute que, sur le coup, c’est un visionnement difficile qui peut en aliéner plusieurs (nous les premiers). Par contre, une fois le choc initial passé, on se souvient d’un film bourré de qualités. À voir, mais une seule fois.
3/5
Article: Philippe Ostiguy et Anne-Sophie Létourneau-Hudon