Arts visuels – OFFTA : Une redéfinition de la performance à Montréal
Le Festival d’art vivant, qui s’est déroulé du 27 mai au 1er juin, a encore une fois cette année déjoué le monde de l’art avec une programmation audacieuse. Dédié aux jeunes créateurs d’avant-garde, le OFFTA, organisé en marge du Festival Trans Amérique, a revu les pratiques artistiques où le corps est mis à l’honneur. Danse, théâtre et performance ont été questionnés par les artistes. Ceux-ci, déconstruisant les frontières entre chacune de ces disciplines, ont créé des œuvres principalement multidisciplinaires.
Le 31 mai, Querelles a eu l’occasion d’assister au Programme triple sous le signe du rituel, évènement artistique donnant à voir trois performances qui s’unifiaient par ce commun désir de transgresser et interroger les schèmes sociaux. Charcuterie de Caroline Laurin-Beaucage, Le Chantier de Cochylis de Donald Trépanier et Monsters, Angels and Aliens Are Not a Substitute for Spirituality d’Andrew Tay ont déstabilisés les conceptions normatives des spectateurs quant aux conventions sociales et publiques. En effet, la sphère intime de ces performeurs s’est révélée à nous dans l’espace de la salle de répétition du Monument National. Actions inhabituelles, rapports saugrenus face aux objets, mouvements corporels exubérants et nudité ont modifié notre rapport au monde le temps d’une soirée. Ces œuvres, par leur caractère provocateur ont suscité le rire, le malaise, l’angoisse, le soulagement, la contemplation et l’étonnement chez les spectateurs qui remplissaient la salle.
La chorégraphie de Caroline Laurin-Beaucage, Charcuterie, malgré l’apport du mouvement dansé et d’une théâtralité, respectait les modalités générales de la performance telle que nous la concevons en arts visuels. Deux interprètes exécutaient des actes précis; c’était l’action qui était au coeur de l’oeuvre, et ces actes teintaient la créations d’un discours. Bien que le OFFTA n’ait présenté qu’une partie de la Trilogie de poulet, l’oeuvre se constituait d’un filon narratif. En cette ère où la transformation corporelle est coutume, Laurin-Beaucage a mis en scène deux femmes dépeçant méthodiquement deux poulets, questionnant ainsi la relation entre le corps et l’âme humaine.
Les deux autre performances, laissant davantage d’espace à la danse et au théâtre, provoquaient un déverrouillage des conventions. Même un spectateur averti à l’art contemporain se retrouvait dans un univers imprévisible dépourvu de moyens. Il était parfois difficile de s’ancrer sur des bases de notre connaissance au monde tellement les limites de l’art et de la performance étaient contournées. Ces créations s’affirmaient comme une forme autonome, autonome en ce sens où la performance devient indépendante d’un discours artistique clair et limpide. Chacun des actes performés aurait pu être analysé et doté d’un certain sens, toutefois, les artistes par la combinaison d’actions inhabituelles et de multiples médiums proposaient des œuvres dépourvues d’une ligne directrice. Sans conteste prévue par les créateurs, cette
volonté d’évacuer tout axe d’analyse avait sans doute pour objectif de désarçonner les spectateurs, remettant en perspective la conception que nous avons de l’art. ainsi que celle de la performance telle que nous la concevons aujourd’hui, dans l’art actuel, à Montréal.
Ce qui m’amène à faire mention de cette idée que la performance glissant davantage vers le théâtre et la danse connait actuellement, à Montréal, un processus de redéfinition. Cette question intéresse le monde de l’art, puisque la performance, qui consiste brièvement en une œuvre réalisée grâce aux actions effectuées par un artiste, gagne en importance dans les pratiques artistiques québécoises, et ce, même dans les disciplines externes aux arts visuels. D’ailleurs, Espace Projet propose à partir du 12 juin, De la performativité à la théâtralité, une exposition qui traitera justement de ces interrogations autour de la performance. La commissaire Pascale Tremblay invite les gens à évaluer « Où se situe la mince ligne qui sépare la performance du théâtre? À quel moment cette frontière est-elle franchie ? Qu’est-ce qui distingue clairement les deux disciplines : est-ce la mise en scène, le texte, le personnage, le costume, la scénographie, le public, la répétition ?[1] » Plusieurs performances auront lieu au cours de l’exposition, je vous invite à consulter la programmation, ici.
Si la performance vous intéresse, voici deux évènements à ne pas manquer en plus de l’exposition à l’Espace Projet:
Mercredi le 11 juin, La Galerie UQAM diffuse la projection du film réalisé par Les Fermières Obsédées lors de leur performance à la Manif d’Art 7. Le film de 14 minutes sera diffusé en boucle de 17 à 18h30.
Le Projet HOMA II présente à la Maison de la Culture Maisonneuve les performances de Danny Gaudreault et de Katherine-Josée Gervais, jeudi le 12 juin à 19h.
Article: Laurence Garneau
Espace Projet
353 rue Villeray / Montréal
De la performativité à la théâtralité : Du 11 au 29 juin 2014
La Galerie UQAM
1400 rue Berri / Montréal
Les Fermières obsédée. La marche du zombie. : Le 11 juin 2014
Maison de la culture Maisonneuve
4200 rue Ontario / Montréal
Projet Homa II : Le 12 juin 2014
[1] Communiqué de Presse, http://www.espaceprojet.net/Expositions-a-venir, Juin 2014