Voyage – Souvenirs d'Argentine: Buenos Aires l'envoûtante
Buenos Aires, le berceau du tango, est à l’image même de cette la danse : sensuelle et provocante. Sous ses airs européens, la ville impressionne tant par son art de vivre que par le souffle de créativité et d’originalité qui y règne. Les rues grouillantes de la mégalopole forment une mosaïque de quartiers empreints chacun d’une personnalité distincte. Buenos Aires, la mélancolique, transmet ses vestiges le temps d’une balade.
Lorsque l’on déambule dans les rues, on a peine à croire qu’à l’exception de La Boca, San Telmo et quelques autres petits quartiers du centre, la ville n’était qu’un vaste champ il y a 200 ans. Sous ses allures de fêtarde, Buenos Aires nous transmet avec noblesse la nostalgie et l’émotion d’une synthèse réussie entre passé et présent. Bien qu’elle rayonne à différents niveaux – on pense notamment à ses nombreuses institutions gastronomiques, Buenos Aires reste associée à certains clichés qui lui sont propres, mais ô combien insuffisants à sa description. Certainement que l’on peut faire un marathon touristique – bon steak suivi d’un élégant spectacle de tango, mais ce serait se limiter à de prosaïques préconceptions.
La capitale d’Argentine endosse souvent le titre de «Paris du sud», mais c’est essentiellement ses charmes latins qui nous ensorcellent. Le long d’allées pavées, on croise de grands arbres sinueux et frisés à l’européenne, cependant ce sont les rencontres humaines que l’on y fait qui catalysent notre affection pour Buenos Aires. C’est au café du Home Hotel que la ville s’est pour la première fois ouverte à moi, en la personne de Ricardo Bustamente. Attablé devant un expresso, il me parle de sa ville qui suffoque silencieusement sous la chaleur du mois de janvier. La richesse de la ville, c’est aussi ses résidents. Ricardo décrit d’ailleurs les Portègnes comme étant extrovertis, ouverts d’esprit et décontractés. Comme le disait Marlene Dietrich:
Latins are tenderly enthusiastic. In Brazil they throw flowers at you. In Argentina they throw themselves.
Ricardo propose d’explorer. La ville, quadrillée d’imposants boulevards et d’étroites rues pavées, dévoile une absence d’unité architecturale. Il est fréquent de retrouver un bâtiment néo-classique voisin d’un immeuble de plusieurs étages en béton qui lui, se pose à côté de petites maisons. L’immigration européenne vers la fin du 19e siècle a certainement contribué à cette hétérogénéité qui insuffle beaucoup de charme à la ville. Ricardo me confie qu’il considère que «Buenos Aires a emprunté plusieurs éléments aux pays européens et aux États-Unis. L’immigration massive de l’Italie, l’Espagne, la France et l’Allemagne a été transposée dans l’architecture et la manière de vivre des Portègnes.»
Le quartier de San Telmo
On arrive dans le quartier en vogue de Palermo, qui contraste avec d’autres quartiers plus traditionnels. Il impressionne par la quantité de bars tendance et d’institutions gastronomiques. On pense notamment à Don Julio et La Cabrera, fameux pour leurs parrillas (façon de griller la viande). Les rues jonchées de boutiques de designers pullulent de Portègnes branchés. On fait un arrêt rapide chez Black Mamba pour y dénicher des pièces originales et osées, qui rappellent la touche minimale et sensuelle des créateurs émergents montréalais, dont Travis Taddeo. Un parallèle serait-il à faire
entre l’effervescence créative de Montréal et de Buenos Aires?
Quelques pas plus loin, on retrouve une chouette boutique de chaussures pour femmes, Paruolo, et Etiqueta Negra, boutique unisexe. Des murs bariolés de fresques aux couleurs aguichantes cohabitent avec ces nombreuses boutiques. L’amatrice de street art en moi est comblée.
Puis, on visite La Boca, premier quartier portuaire de Buenos Aires, pour se balader le long de la rue Caminito bordée de pittoresques maisons aux façades colorées. Le voisinage est truffé de bar et de boutiques souvenirs proposant au plus offrant des statuettes des héros nationaux, tels que les fameux Diego Maradono et Eva Perron. L’avenue Caminito est à Buenos Aires ce que la Tour Eiffel est à Paris. Sur le bord du port se trouve aussi le très couru Musée d’art contemporain, La Proa. Ricardo me parle alors du cimetière de la Ricoleta, dont la beauté mérite le détour. Les sentiers partent en toutes directions et se faufilent entre les imposantes tombes, offrant des points de vue surprenants. On pourrait y penser des heures.
Le dimanche, on passe le reste de la journée à San Telmo. À la Place Dorrego se met en scène un marché d’antiquités où spectacles de tango se mêlent aux performances de musiciens jazz. Buenos Aires chante pendant que l’on déambule dans les ruelles inondées et que l’on sirote un jus d’orange fraîchement pressé. Des passages vers des cours intérieures proposent des découvertes pleines de promesses. On croise Guillermo Biaina, un copain de Ricardo, qui s’amuse à me présenter Buenos Aires comme une pièce d’art – un portrait par Mondongo Art Group, un collectif d’artistes d’Argentine qui utilisent des matériaux inhabituels pour créer leurs oeuvres. «Ils ont commencé à travailler principalement avec des matériaux périssables comme la nourriture. Buenos Aires périt, mais quelque chose d’imprédictible et d’intéressant émerge de cette condition», m’explique-t-il.
Malgré ce charme latent, les Portègnes semblent avoir des sentiments partagés concernant leur ville. Ricardo, quant à lui, quitterait en raison de la politique qui est instable. «Tu ne sais jamais ce qui va se passer demain, tant à cause de l’orientation économique que politique».
Le mal est fait: Buenos Aires envoûte, spontanée et chaotique.
La rue Caminito dans le quartier de la Boca
Article et photos : Jessika Dufour